Vices cachés : quid de la responsabilité de l’agence immobilière vis-à-vis de l’acheteur ?


Par Laurent Gimalac Avocat spécialiste et docteur en droit privé.


L’agence immobilière fait partie des intermédiaires incontournables dans le cadre d’une vente immobilière. Même si elle ne rédige pas elle-même le compromis de vente, sa responsabilité personnelle peut être mise en jeu dans certains conditions au visa des articles (anciens) 1135, 1147 et 1992 du code civil Elle ne doit commettre aucun manquement à son obligation d’information sur le défaut affectant la construction du bien objet du mandat et de la promesse de vente. Elle devra donc être vigilante sur les informations qu’elle délivre aux acquéreurs potentiels.


1°/ Le principe de responsabilité de l’agence tant à l’égard du vendeur que de l’acheteur 


La responsabilité de l’agence peut être engagée au visa des  articles (anciens) 1147 et 1991 du code civil. Cette responsabilité est aussi bien engagée à l’égard du vendeur que de l’acheteur. La jurisprudence impose sur ce fondement à l'agent immobilier un devoir de conseil et de loyauté vis-à-vis de l'acheteur tiers au mandat (V. Civ. 1re, 28 oct. 2010, D. 2010. 2650, obs. Y. Rouquet ; AJDI 2011. 550, obs. M. Thioye )


L’agence est aussi d’une obligation d’information et de conseil à l’égard du vendeur qui l’a mandaté. Il donc tenu de le mettre en garde contre les vices dont est affecté l’immeuble qu’il se propose de vendre, et de procéder au besoin aux contrôles qui lui permettraient d’en découvrir l’existence. Ce sera notamment le cas s’il est averti par son mandant de la nécessité de procéder à certains travaux affectant sa structure lourde tels que des travaux de toiture.


2°/ La mise en oeuvre pratique : l’erreur de l’agence est souvent excusée en présence de vices qu’elle pouvait ignorer


La jurisprudence distingue les informations qu’elle ne pouvait pas ignorer de celles qui ne sont pas apparentes et pouvaient lui échapper lors de la mise en vente.


Ainsi, la cour de cassation rappelle par exemple que  l’agence Century 21 n’avait pas manqué à son obligation d’information dans le cas du silence gardé par les vendeurs sur les désordres constructifs affectant le bien vendu  :


«  Mais attendu qu’ayant retenu qu’il ne pouvait être reproché à l’agence immobilière de ne pas avoir avisé les acquéreurs du défaut affectant les fondations dès lors qu’il était établi que ces désordres n’étaient pas visibles lors des visites effectuées par les futurs acquéreurs et la preuve n’était pas rapportée qu’elle avait eu connaissance du vice caché, que si les fissurations de la façade étaient visibles, ni leur gravité, ni leur origine ne pouvait être appréhendée par un non professionnel, la cour d’appel, qui a effectué la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision » (Voir Cour de cassation chambre civile 3 Audience publique du mercredi 23 octobre 2013 N° de pourvoi : 10-15.687).


Une autre affaire jugée en 2014, confirme que l’agence immobilière n’est pas présumée connaître les vices de la construction et que sa responsabilité est atténuée lorsqu’elle n’a qu’une mission d’entremise et ne rédige pas le compromis de vente par exemple :


« Ayant constaté que la société Agence immobilière du Parc n’avait qu’une mission d’entremise lors de la vente de l'immeuble et relevé que les vices étaient cachés, que les combles n'étaient pas facilement accessibles et que Mme Y n'établissait pas avoir informé l'agent immobilier des vices affectant la toiture, la cour d'appel a pu en déduire que le manquement au devoir de conseil de l'Agence immobilière du Parc n'était pas établi" (Voir Cass. Civ. 3e, 4 mars 2014, N° de pourvoi : 12-25.801, rejet, inédit).


Enfin, l’agence immobilière lorsqu’une agence immobilière met en vente une maison ancienne dont les vendeurs pouvaient se douter de la vétusté, elle n’a pas l’obligation de faire des sondages destructifs pour contrôler l’état d’une charpente ou d’une toiture :

« Attendu qu’ayant, d’une part, relevé qu’il était mentionné sur l’annonce de l’agence immobilière que l’immeuble était une ferme habitable à rénover entièrement et que les désordres affectant les colombages situés derrière l’essentage n’avaient été mis en évidence que par l’enlèvement des ardoises, alors qu’un agent immobilier n’étant pas un professionnel du bâtiment n’a pas à pratiquer des sondages destructifs et, d’autre part, retenu que les époux Y… étaient en mesure d'apprécier l'état de vétusté de l'immeuble, propriété rurale datant de la fin du XVIIIe siècle, la cour d'appel a pu en déduire que la société La Maison Bleue n'avait pas manqué à son devoir de conseil..." (Cassation, ch. civ. 3, Audience publique du mardi 9 décembre 2014, N° de pourvoi: 13-24.765).


3° Responsabilité de l’agence retenue lorsqu’elle pouvait connaître le vice ou le défaut de concordance du bien avec l’usage auquel le destine l’acheteur 


SI l’agence n’est pas considérée comme omnisciente  et n’est pas réputée connaître par présomption les vices cachés elle a toutefois un devoir minimum de vérification des informations qu’elle transmet.


L’agent immobilier est tenu, en sa qualité de professionnel, de vérifier, notamment par la consultation du titre de propriété, si l’immeuble que le vendeur l’a chargé de vendre peut être effectivement affecté à l’usage auquel l’acheteur le destine et qu’il engage sa responsabilité délictuelle vis-à-vis de ce dernier s’il omet de l'éclairer sur ce point (Cour de cassation, 1re civ. 26 mars 1996).


On le voit si l’agence a bien un devoir de conseil et d’information en sa qualité de professionnel, elle n’est toutefois pas contrainte de révéler des vices cachés si le vendeur lui en a caché l’existence. Elle doit en revanche se préoccuper de l’usage auquel le destine l’acheteur.


Cela suppose donc la mise ne oeuvre d’ une responsabilité intermédiaire entre celle du profane et celle du professionnel de la construction (qui est présumé connaître les vices du bien qu’il a construit). Il est conseillé à l’agence pour se ménager une sorte d’immunité, de faire signer au mandant vendeur, avant la vente, une déclaration (écrite)  attestant du bon état du bien (Voir par ex. CA Versailles, 1re ch., 23 mars 1989).


Me Laurent GIMALAC, Avocat et docteur en droit privé,

Lauréat de l’Université. 


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