Une colonie de tortues peut-elle empêcher la réalisation d’un ouvrage ou d'une construction ?

Par Me Laurent GIMALAC, Docteur en droit et Avocat spécialiste en droit de l'environnement. 


La question peut paraître incongrue pourtant, il existe désormais des précédents dans la jurisprudence administrative. Elle s’est posée notamment pour la création d’un parc d’éoliennes : Cour administrative d’appel de Bordeaux - 5ème chambre (formation à 3) - 10 février 2015 - n° 13BX02299, ou encore pour l’exploitation touristique d’un îlot à proximité du site abritant des tortues protégées, une  affaire qui a même donné lieu à la saisine de la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme – 6 décembre 2007 – n° 14216/03).


Pour prendre un exemple précis, en Corse, un jugement a été rendue par le tribunal administratif de Bastia au cours de l’année 2019, à l’encontre d’une décision préfectorale autorisant un projet de construction de logements dans l’extrême sud de l’Ile. Le tribunal a en effet estimé que ce projet ne respectait pas les critères les dispositions dérogatoires du code de l’environnement. Dans le jugement, il a été constaté que l’arrêté préfectoral se bornait à mentionner la non remise en cause des populations des espaces impacté à l’échelle régionale et locale ainsi que la bonne prise en compte des espèces protégées au regard des enjeux environnementaux du projet. Toutefois il n’était pas fait état de l’absence de solution alternative satisfaisante ni des considérations de fait justifiant l’existence de raisons impératives d’intérêt public qui présideraient à la réalisation du projet de construction.


La dérogation qui a été accordée n’était donc pas suffisamment motivé et la décision du représentant de l’État a donc été annulée.


L’argument du promoteur qui faisait valoir que le projet présenté à l’intérêt social, en augmentant le nombre de logements de la commune, et un intérêt économique pour le secteur du bâtiment n’a pas non plus été retenu. En effet, selon le tribunal, ce projet de ne saurait par sa nature eu égard notamment à la portée très locale  des intérêts avancés, être regardé comme constituant  l’intérêt public majeur requis.


Ce n’est pas la première affaire qui fait état de la défense de la faune et de la flore locales. En effet en 2015, une commune du Var avec lui déjà dû suspendre ses travaux de construction d’un collège car le site était déjà occupé par une espèce protégée de tortue terrestre.


La solution la plus logique pour contourner la difficulté serait de déplacer les membres de l’espèce protégée. Toutefois ce n’est pas si facile que cela puisqu’il faut un espace de protection minimum pour en assurer le développement. Il est par ailleurs interdit, de mettre en captivité ses tortues qui ne peuvent être détenu par des particuliers.


Les promoteurs ne doivent donc plus négliger cette dimension environnementale dans leur dossier de permis de construire s’ils ne veulent pas que leur projet ne soit stoppé net, par une surprenante tortue sortie de nulle part.




Me Laurent Gimalac, Docteur en droit de l’environnement,

Avocat spécialiste en droit de l’environnement (Paris et Côte d’azur).


© Cabinet de Me Gimalac Avocat - Paris, Lyon, Cannes, Grasse - IDF et French Riviera  - 2020