Protection des plantations sur un terrain destiné à être construit.


Par Laurent GIMALAC, Docteur en droit, Lauréat et Avocat spécialiste en droit de l’environnement.



Pour les voisins habitant dans des résidences ou villas individuelles, la proximité de terrains boisés (dont ils ne sont pas propriétaires) constitue un élément d’agrément et environnemental appréciable qui apporte une valeur ajoutée. Mais ces parcelles n’ont pas vocations à rester éternellement en l’état, et à la successions, il arrive fréquemment que des promoteurs entreprennent des projets de construction qui peuvent modifier sensiblement cet environnement.


S’agissant de terrains constructibles, il n’est pas possible de rejeter en bloc tout projet immobilier pour conserver les plantations en l’état, mais pour autant le promoteur n’est pas nécessairement libre de supprimer toutes les plantations. Il faudra se reporter pour cela aux contraintes locales (PLU) ainsi qu’au permis de construire qui peut prévoir des contraintes spécifiques (obligation de conserver certains arbres ou de les déplacer sans les supprimer).


1° Du droit de prendre des initiatives préventives


La jurisprudence a reconnu la possibilité pour une association de demander à titre préventif des mesures de précaution, telles que la rédaction d’un PV d’huissier préventif ou encore l’établissement d’une rapport d’expertise contradictoire.


Une association de défense de l’environnement justifie ainsi d’un intérêt à  d’un tel rapport, enrichi de photos, précisant l’emplacement, la nature, l’âge des diverses plantations situées sur le terrain sur lequel porte le permis de construire (Voir en ce sens, TA de Nantes, 25 janvier 1988,  Association de défense de l’environnement des habitants du quartier Mellinet). Dans cette affaire, le terrain présentait le caractère d’un terrain boisé dont le permis avait d’ailleurs prévu la conservation au moins partielle.



2° Du droit de contester un dossier de permis de construire incomplet 


Lorsque les plans annexés au permis de construire sont imprécis et ne mentionnent pas la présence exhaustive des arbres, il peut être tentant de solliciter l’annulation du permis de construire devant le juge administratif.


Mais ce dernier dispose d’une certaine marge de manoeuvre, de telle sorte que l’insuffisance d’un plan peut être compensée par des éléments d’infirmation complémentaires figurant dans le dossier de permis de construire.

Ainsi dans une affaire jugée à Strasbourg en 2003, le tribunal administratif constate que la notice permettant d’apprécier l’impact visuel du projet est succincte et que le plan de masse «  oublie » de mentionner l’abattage des arbres situés devant la propriété des requérants. Mais ces insuffisances ne sont pas considérées par le juge comme de nature à fausser l’appréciation de l’administration sur le projet de construction (Tribunal administratif de Strasbourg, ord. réf., 3 févr. 2003, M. Bouesnard et Mme Stutz c/ Préfet du Haut-Rhin, Cne de Rantzwiller et M. Marbach - Requête n° 0204492).

Inversement, si les plans et le dossier sont incomplets, la validité du permis peut-être remise en cause.

Ainsi, le la CAA de DOUAI a estimé qu’un  dossier de permis de construire « ne comportait aucune notice faisant apparaître la végétation et les éléments paysagers existants ainsi que les parties retenues pour assurer l’insertion du bâtiment dans son environnement en tenant compte des paysages, contrairement aux dispositions de l’article R. 431-8 du code de l’urbanisme ; […] qu’aucun plan de masse joint au dossier de permis de construire ne faisait état des plantations existantes, ni de celles devant être supprimées […] que les insuffisances ainsi constatées du projet architectural, qui n’ont pas été compensées par d’autres éléments du dossier, ont été de nature, en l’espèce, à altérer l’appréciation portée par l’administration sur le projet et ont, par suite, entaché d’illégalité le permis de construire attaqué » (CAA Douai, 14-02-2013, n° 12DA00516).


3° Du droit pour le Maire d’assortir le permis de construire de prescriptions portant sur les plantations 


L’autorité administrative peut aller encore plus loin et enjoindre le pétitionnaire à effectuer des plantations. Tel  a été le cas par exemple pour un permis obtenu en matière de construction d’un parc éolien (Voir CE 16-10-2015, n° 385114). Dans cette affaire le Préfet avait prescrit la plantation de haies sur des parcelles privées.



4° Du droit de refuser le permis de construire en cas d’abattage d’un trop grand nombre d’arbres de haute futaie 


4.1. Aux termes de l’article R.111-21 du code de l'urbanisme "le permis de construire peut être refusé (...) si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants". 


C’est au visa de cet article qu’il a été demandé l’annulation de l’arrêté du 29 juin 1987 et de l’arrêté modificatif du 6 août 1987 par lequel le maire d' Antibes a accordé à la société anonyme immobilière et commerciale "La Gauloise" un permis de construire en vue de l'extension de l'hôtel "Le Provençal" sis 22-24 boulevard Baudoin .


Selon le Conseil d’Etat, il ressortait des pièces du dossier que la construction, « dans le site inscrit de Juan-les-Pins et à proximité du site classé du cap d’ Antibes, d’un immeuble de plus de 20 000 m2 de surface hors-oeuvre brute qui impliquerait la disparition totale d’un parc boisé - auquel la réalisation de plantations en terrasse ne saurait suppléer - et l’arasement d’une butte naturelle à laquelle devraient se substituer les constructions projetées contribuerait de manière notable à la détérioration d’un paysage protégé » (Conseil d’Etat 21 juillet 1989 – Lebon 1989).


Par conséquent, il a décidé d’annuler les permis de construire rectificatifs des 6 et 31 août 1987.


4.2. De même, certaines dispositions du PLU complètent les dispositions du Code de l’urbanisme et peuvent expressément interdire l’abattage d’arbres de haute tige.


Pour contourner cette interdiction, le promoteur peut être tenté de déposer un premier permis indiquant à tort qu’il ne va couper qu'un seul arbre, alors qu’il sait pertinemment que son projet nécessitera la coupe d’un grand nombre d’arbres (ce qui nécessitera un second permis rectificatif).

Cette pratique est illicite et le Conseil d’Etat a eu l’occasion de le rappeler pour un projet immobilier dans la ville de Toulouse (Voir CE 23-07-1993, n° 129391).

L’article UB 13 du règlement du plan d’occupation des sols de la ville disposait en effet : «  les espaces boisés et les plantations existantes (alignements d’arbres ou arbres isolés) doivent être conservés sauf, exceptionnellement, dans le cas de contraintes techniques impératives et à condition que des plantations équivalentes soient réalisées. Ils doivent être entretenus et remplacés de façon permanente » 

Le Conseil d’Etat sanctionne cette « astuce" de la manière suivante :

« Considérant que, le 3 avril 1989, le maire de Toulouse a retiré son arrêté du 23 janvier 1989 accordant à la société «  MCI » le permis de construire un immeuble d'habitation collective sur un terrain sis avenue Jean-Rieux ; qu'il s'est fondé sur ce que la société avait sciemment présenté une demande de permis comportant de fausses énonciations, notamment en ce que celle-ci mentionnait la coupe d'un seul arbre sur le terrain, alors que la réalisation du projet aurait imposé, en méconnaissance des dispositions réglementaires précitées, l'abattage de plus de dix arbres de haute tige ; qu'il ressort des pièces du dossier que la société a fait abattre les arbres existants avant de présenter une nouvelle demande de permis de construire le 25 avril 1989 ; que ces travaux n'ont été entrepris qu'en vue de la faire échapper aux conséquences de l'application des dispositions de l'article UB 13 du règlement du plan d'occupation des sols ; qu'ainsi, l'arrêté du maire de Toulouse en date du 16 juin 1989 accordant à la société un permis de construire semblable au précédent est entaché d'illégalité ; que, dès lors, M Bourgon est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté".




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