Le pacte de préférence n’est pas une vaine promesse : il vous engage !

Par Me Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste  - Docteur en droit privé



Le pacte de préférence n’a ni la portée juridique d’un compromis (qui vaut vente), ni celle d’une promesse unilatérale (qui n’engage que le vendeur qui promet de vendre à une personne déterminée).


1°/ définition du pacte de préférence


Le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter.

Il s’agit en effet de s’engager à ne vendre sa propriété qu’à une personne déterminée, mais uniquement si l’on dévide de vendre. On peut parfaitement conserver le bien indéfiniment et donc le bénéficiaire du pacte n’en deviendra jamais l’acquéreur.

Pour autant, il serait dangereux de penser que le pacte est une obligation « au rabais ».

Quand les conditions sont remplies, il faut en effet honorer sa promesse. Certains ont cru pouvoir d’en affranchir mais ils ont été rattrapés par la justice.


2°/ sanction de la violation pacte devant les tribunaux


Dans une affaire jugée par la Cour d’appel de Grenoble en 2013, Il avait été démontré  que la fille du vendeur décédé avait procédé à la vente de terrains sans respecter le pacte de préférence. La cour d’appel a estimé que le bénéficiaire de la promesse bien qu’il attendu plusieurs années pour se manifester avait réellement perdu une chance sérieuse d’acquérir le bien. 

La perte d’une chance d’acquérir le terrain vendu au prix de 19.818 euros a été indemnisée à hauteur de 15.000 euros de dommages et intérêts (Voir en ce sens,
  Cour d'appel de Grenoble, Ch. civ. 1, 25 nov. 2013, RG N° 11/03637).

De même, le notaire a été condamné solidairement au paiement de cette somme, car il devait avoir connaissance du pacte de préférence et en faire part à son client, ce qu’il n’avait pas fait (le pacte avait été publié).


3°/ consécration par le code civil après la réforme de 2016


Cette affaire avait été jugée avant la réforme du droit des obligations intervenue en 2016 et il n’était donc question que d’une indemnisation.

Depuis lors, l’article 1123 du code civil dans sa rédaction après la réforme, consacre une sanction encore plus efficace :

"Lorsqu’un contrat est conclu avec un tiers en violation d’un pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi. Lorsque le tiers connaissait l’existence du pacte et l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, ce dernier peut également agir en nullité ou demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu ».

On rappellera que c’est la solution qui avait appliquée de manière prétorienne par certains tribunaux avant la réforme (Voir par exemple, Cass.  Ch. Mixte, 26 mai 2006, Bull. Mixte 2006, n°4, p.13). 


4°/ effets à l’égard du bénéficiaire qui accepte l'offre


Inversement, si le bénéficiaire du pacte de préférence, à la suite de la notification de l’intention de vendre le bien, accepte de l’offre qui lui est faite, il est lié et ne peux plus se rétracter. 

Tel est le cas de l’héritier qui entend profiter d’un pacte de préférence dans le cadre du partage de biens indivis, et qui accepte l’offre. La Cour de cassation lui a dénié le droit de changer d’avis par un arrêt rendu en 2004 :

"Attendu que pour rejeter leurs demandes, l'arrêt retient que l'offre n'a pas été réellement acceptée par les bénéficiaires et en particulier par Mme Chantal X... et que, l'absence de rencontre de l'acceptation et de l'offre était attestée par les instances judiciaires introduites par Mmes Thérèse et Chantal X..., visant à obtenir une négociation et une modification des termes du contrat ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’acceptation de l’offre de vente formulée en exécution d’un pacte de préférence vaut vente, la cour d’appel a violé le texte susvisé ..." (Cass. ch. civ. 22 sept. 2004, pourvoi n° 02-21441).

Ainsi, le pacte de préférence vous engage et vous ne devez pas vous en affranchir sans prendre la précaution d’interroger son bénéficiaire avant de réaliser une vente. Et le réciproque est vraie, le bénéficiaire qui accepte l’offre est tenu de payer le prix.


5° exclusions du pacte


Il existe toutefois une exception de taille : si le pacte de préférence ne concerne qu’une partie d’un immeuble (par exemple un studio, ou un étage indépendant) et que c’est l’immeuble  entier qui est vendu, le pacte de préférence pourra être écarté car son objet a été circonscrit à une partie du bien et non pas à son ensemble. D’où l’intérêt de clairement désigner le bien qui sera l’objet du pacte pour éviter ensuite des litiges devant le tribunal (Voir par exemple, a contrario, Civ. 3ème, 6 juin 2012, n°11-12893 pour un pacte imprécis).


De  même, si le bien est apporté à une société, sauf si le pacte le prévoir expressément, il échappera à l’obligation qui est limitée aux seuls ventes (Cass. Civ. 3e, 15 janv. 2014, N° de pourvoi : 12-35.106, inédit, cassation).


Me Laurent GIMALAC, Avocat et docteur en droit privé,

Lauréat de l’Université. 



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