Travaux de surélévation en zone sismique : quelles sont les obligations légales ?


Par Me Laurent Gimalac, Avocat spécialiste et docteur en droit privé.



Près de 60  des communes françaises sont désormais concernées peu ou prou par le zonage sismique et les règles de protection ont été particulièrement renforcées depuis le 1er mai 2011. Il n’est plus possible de faire tout et n’importe quoi sur es bâtiments neufs voire anciens, et l’acheteur du bien immobilier doit être informé de la situation de l’immeuble.

Pour une liste exhaustive des Communes soumises à ce risque naturel, il est possible de se reporter au décret n° 2010-1255 du 22.10.10 (Voir JO du 24: Délimitation des zones françaises de sismicité).


I - L’INFORMATION OBLIGATOIRE LORS DE LA VENTE DE L’IMMEUBLE

1° Obligation de renseignement

Tout acheteur ou locataire d’un bien situé en zone de sismicité doit être informé obligatoirement  depuis le 1er  juin 2006. 

Sont concernés les biens classés dans les zones 2,3, 4 et 5. 

Il en va de même si le bien est classé dans le périmètre d’un PPR, dès lors qu’il a été prescrit (c’est-à-dire en phase d’élaboration) ou approuvé. 

Il appartiendra au vendeur, comme au bailleur, d’annexer au contrat de vente, dès le stade de l’avant-contrat, ou bien au bail, un « état des risques naturels et technologiques », incluant donc le risque sismique.

L’imprimé, une fois renseigné, doit dater de moins de six mois au moment de la conclusion du contrat. 

Le vendeur ou le bailleur doit également fournir une déclaration de sinistre si le bien a déjà fait l’objet d’une indemnisation par les assurances après un séisme reconnu comme catastrophe naturelle.

Il doit être précisé que le ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie a mis en ligne en 2014 le site georisques.gouv.fr, qui est un site cartographique indiquant avec précision (50 mètres), les risques naturels (inondations, séismes, mouvements de terrain, argile, avalanches…) et technologiques (usines à risque, centrales nucléaires, sols pollués…) 

On ne peut que conseiller les acquéreurs potentiels de s’y reporter pour connaître l’état des risques avant de signer un compromis…


2° Des contraintes de construction et d’urbanisme d’identité variable


Suivant l'article L. 563-1 du code de l’environnement « dans les zones particulièrement exposées à un risque sismique ou cyclonique, des règles particulières de construction parasismique ou paracyclonique peuvent être imposées aux équipements, bâtiments et installations. Si un plan de prévention des risques naturels prévisibles est approuvé dans l’une des zones mentionnées au premier alinéa, il peut éventuellement fixer, en application de l'article L. 562-1, des règles plus adaptées ».

L’article L. 111-23 du code de la construction et de l’habitation ajoute pour sa part, qu’un contrôleur technique a pour mission de « contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d’être rencontrés dans la réalisation des ouvrages. Il intervient à la demande du maître d’ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique, dans le cadre du contrat qui le lie à celui-ci, avis qui porte notamment sur les problèmes concernant la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes ».

Il s’ensuite également une formalité dans l’établissement du dossier de permis de construire (C. urb., art. R. 431-16 f) :

« Lorsque la construction projetée est subordonnée par un plan de prévention des risques naturels prévisibles ou un plan de prévention des risques miniers approuvés, ou rendus immédiatement opposables en application de l'article L. 562-2 du code de l'environnement, ou par un plan de prévention des risques technologiques approuvé, à la réalisation d'une étude préalable permettant d'en déterminer les conditions de réalisation, d'utilisation ou d'exploitation, (le dossier comprend) une attestation établie par l'architecte du projet ou par un expert certifiant la réalisation de cette étude et constatant que le projet prend en compte ces conditions au stade de la conception ».

Les contraintes vont bien sûr différer en fonction du classement du terrain et du bâtiment.

La première étape consiste à déterminer dans quelle catégorie appartient l’immeuble qui a été acquis.

Les bâtiments sont classés en 4  catégories. Les règles sont plus exigences pour les bâtiments recevant du public et notamment des enfants (écoles…)

Les maisons individuelles, de même que les petits immeubles collectifs (hauteur inférieure à 28 mètres), figurent par exemple en catégorie II.

La seconde étape consiste à identifier le type de zone à risque.

Il existe en effet plusieurs niveaux de risque.

Ainsi, en zones 3 et 4, où le risque est considéré comme modéré et moyen, ce sont des règles simplifiées qui s’appliquent pour les maisons individuelles.

Par contre si le terrain est situé en zone 2, autrement dit présente un risque de sismicité faible, aucune règle particulière de construction n’est imposée.

Il est donc essentiel de bien déterminer la zone d’implantation puis le type de bâtiment pour savoir si les règles de conception parasismique doivent s’appliquer (Eurocode 8)


II - LES TRAVAUX SUR L’EXISTANT ANCIEN : DE LOURDES CONTRAINTES A NE PAS NÉGLIGER AVANT D’ACHETER


En cas d’achat d’immeubles anciens, voire de bâtisses en secteur rural très anciennes, il est souvent prévu une grosse opération de rénovation par le nouvel acquéreur. 

Et c’est parfois au moment où il va déposer sa demande de permis de construire qu’il risque de se rendre compte de contraintes auxquelles il n’avait pas pensé… 

Au pire, le maire a le droit de refuser un permis de construire sur un immeuble existant s’il existe un risque grave affectant la sécurité des habitants.

Il n’est même pas nécessaire que  ce risque soit répertorié dans un PPRNP…

Le Conseil d’Etat juge en effet que la commune peut refuser de délivrer un permis de construire alors même que les prescriptions du PPRNP ne s’y opposent pas et que le terrain d’assiette du projet n’est pas classé en zone à risques, si elle estime que le projet est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. 

Toutefois, un tel refus est plutôt lié en règle général à un risque récurrent comme les inondations et le débordement de cours de d’eau.

En matière de risque sismique, les charge sera technique et financière.

En effet, les vieux bâtiments ne respectent presque jamais les nouvelles normes parasismiques (surtout avant 1969).

L’objectif de la norme est de ne pas aggraver leur vulnérabilité, aussi en cas de surélévation par exemple,  de suppression de planchers, ou d’ajout d’une terrasse en toiture.

La structure modifiée devra être dimensionnée selon les mêmes règles que pour le neuf, mais avec une minoration  (de 60 % par rapport à la réglementation existant dans le neuf). 

S’il s’agit d’une extension désolidarisée, elle devra respecter entièrement les nouvelles normes.


III - ULTIME RECOURS POUR LE PROPRIÉTAIRE : INVOQUER LA GARANTIE DECENNALE DU CONSTRUCTEUR 


Dans l’hypothèse de l’achat d’un immeuble non conforme ou de travaux postérieurs non conformes aux règles parasismiques, le propriétaire n’est pas dénué de recours.

La Cour de cassation (Cass. civ. 3e, 11 mai 2011, n° P 10-11.713) a en effet  rendu un arrêt favorable aux propriétaires dans une affaire qui concernait le doublage extérieur en pierre apparente des murs d’une maison située en zone sismique. 

Elle a en effet jugé que la garantie décennale du constructeur s’appliquait avant tout dommage. 

La non-conformité de la maison aux règles parasismiques obligatoires dans le secteur concerné, « facteur certain de risque de perte par séisme, compromet[tait] sa solidité et la rend[ait] impropre à sa destination ». 

La solution n’est pas nouvelle, la cour ayant déjà jugé implicitement en 2009 en cassant un arrêt d’appel qui avait rejeté la prise en charge décennale (Cour de cassation, 3e civ., 7 oct. 2009, Sté SCMA c/ Époux Aubry et autres, pourvoi n° 08-17.620).

Ainsi le propriétaire pourra demander au constructeur de mettre sa maison, en conformité et éventuellement engager la responsabilité de son architecte.


Me Laurent GIMALAC, Avocat et docteur en droit privé,

Lauréat de l’Université. 


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