Recours contre une construction trop haute. Les astuces des pétitionnaires pour contourner la loi et le contrôle du juge.


Par Laurent GIMALAC, Docteur en droit, Lauréat et Avocat spécialiste en droit de l’environnement.



Vous êtes propriétaire  et vous disposez d’une belle vue sur la mer, le lac, ou la vallée. Votre voisin qui est propriétaire rencontre pas d’intérêt constructible, décide de déposer un permis de construire. Vous vous apercevez alors que la maison qui va être construite va vous cacher en tout ou partie votre vue et que votre maison va perdre une bonne partie de sa valeur.


1° Consulter les documents de référence en Mairie


Le premier réflexe est d’aller immédiatement consulter le dossier permis de construire en mairie. Celui-ci est accessible à tous les administrés dès lors que l’autorisation de construire a été délivrée par la municipalité. Cette décision vous sera connue dès son affichage en mairie ou sur le terrain.


Il existe la plus souvent une hauteur limite à respecter. Celle-ci est déterminée par le plan local d’urbanisme qu’il faudra  également de consulter en mairie. Si le terrain appartient à une Zac, il faudra se reporter au règlement de cette Zac qui déterminera dans son règlement la hauteur maximum. 


2° Vérifier le point haut et le point bas


Le point haut du bâtiment est la hauteur à l’égout ou la hauteur de façade. Parfois il s’agit de la hauteur du faîtage ou hauteur totale qui tient compte du point le plus élevé de la toiture.


Le point bas est le terrain naturel. Pour un terrain pour un terrain à forte déclivité, les documents d’urbanisme prévoit souvent que le niveau de base est le point le plus bas du terrain naturel. C’est là que le pétitionnaire peut jouer avec une certaine imprécision des textes et le laxisme de la jurisprudence.


3° Notion de terrain naturel à la suite de remblais successifs 


En principe, la hauteur des constructions est mesurée à partir du niveau du sol existant avant tous travaux d’exhaussement ou d’excavation exécutés en vue de la réalisation du projet faisant l’objet d’une demande de permis de construire.


Ce qui exclut donc de prendre en compte les modifications de niveau du terrain qui seraient intervenues sans rapport direct avec les travaux du permis de construire.


Mais parfois, les intentions du pétitionnaire ne sont pas très claires. Il a pu anticiper un futur projet en effectuant des travaux préparatifs et en amenant le niveau du terrain au niveau nécessaire pour la future construction.


Il a pu également profiter d’une première autorisation pour aménager le niveau global de son terrain alors qu’il ne s’agissait que de construire la première moitié de sa parcelle pour faciliter ultérieurement la construction de l’autre moitié.


C’est là que l’on peut regretter un certain laxisme de la part de la jurisprudence. Certaines Cours administratives d’appel font parfois abstraction d’importants travaux de remblais réalisé avant le dépôt d’une demande de permis de construire. Heureusement le conseil d’État veille et censure les décisions qui valident de manière trop évidente des manœuvres de la part du pétitionnaire. C’est le cas notamment dans une affaire jugée en 1999 conseil d’État 15 octobre 1999 (époux Chatin). Ce dernier avait estimé que les travaux incriminés devaient être regardé comme ayant eu pour objet de permettre de construire une hauteur supérieure la hauteur maximale normalement autorisée .


En revanche il semble que les travaux effectués plusieurs années avant le dépôt du permis de construire avec d’important remblais et des dépôts de terre ne seront pas pris en compte. Sauf à démontrer l’intention frauduleuse du pétitionnaire. Dans ce cas, il faudra revenir en arrière pour établir le point bas c’est-à-dire le terrain naturel avant sa modification par les remblais.


4° Forte déclivité du terrain naturel


Faute d’une règle précise de calcul dans le PLU, le pétitionnaire n’a pas le droit de retenir une simple valeur moyenne pour un terrain en forte déclivité, qui lui serait plus avantageuse.

Le Conseil d’Etat l’a rappelé dans la décision suivante :

« Considérant que ces dispositions ne comportent aucune exception et ainsi, ne permettent pas, dans le cas d’un immeuble construit sur une parcelle en déclivité de retenir, pour calculer la hauteur, un niveau différent tenant compte des différentes cotes du terrain ; qu'il n'est pas contesté que la hauteur de l'immeuble litigieux excède pour une partie de celui-ci, la ligne des 9 mètres ; qu'ainsi, le permis attaqué ne respecte pas les dispositions précitées du règlement du plan d'occupation des sols" (CE 31 juill. 1996, Société Socri, req. n° 155984).


5° Conséquences des tricheries sur les plans soumis à l’autorité administrative 


Il est bien évident que si le pétitionnaire porte sur son dossier une cote erronée par rapport la réalité, il s’agit d’une fraude qui entraîne l’annulation ou le retrait du permis de construire À la condition de démontrer qu’elle a permis de contourner les règles d’urbanisme notamment les règles de hauteur maximum.


6° Réalisation de travaux non conformes au permis de construire


L’hypothèse n’est pas rare : le pétitionnaire peut parfois dépasser légèrement les hauteurs maximum prévues par son permis de construire.

Dans ce cas, il est possible de sanctionner un tel comportement devant la juridiction pénale (à la suite d’une plainte pour infraction au code de l’urbanisme).

La Cour d’appel de Montpellier a ainsi reconnu une telle infraction pour un simple dépassement de 3 cm dans les termes suivants :

"Attendu qu'il résulte du constat dressé par le M. de la Commune le 29 août 2005, que le faîtage se situe à 7,60 mètres au lieu des 6,93 mètres autorisés ; qu'au vu du constat d'huissier produit par Madame M., ramenant à 6,97 mètres cette hauteur, compte tenu du remblai, la construction dépasse, de fait, de trois centimètres la hauteur qui avait été autorisée ; 

Attendu dans ces conditions que la décision entreprise est confirmée en ce qu’elle a constaté l’infraction au permis de construire sur la hauteur du faîtage, ce qui justifie la déclaration de culpabilité sur ce point » (CA Montpellier – 18 janvier 2007 – n° 06/00612).



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