La Commune doit-elle refuser un permis faute de desserte suffisante d’un programme immobilier ?

Par Me Laurent GIMALAC, Docteur en droit et Avocat spécialiste en droit de l'environnement. 


Avec la pression démographique et foncière qui en est le corollaire, il n’est pas rare que de vastes projets de lotissements (ou logements sociaux) viennent chambouler des zones résidentielles et risquent d’apporter un lot important de nuisances : engins de chantier, puis le passage de nombreux véhicules, la perte d’un cadre de vie.

Mais la notion de cadre de vie n’est pas toujours interprétée de la même manière par les services de l’urbanisme et les habitants du quartier. Les premiers font application de la carte communale, ou du PLU… les habitants font référence à l’existant… ce qui n’est pas toujours la même chose.

Le premier responsable est - a priori - le Maire : la délivrance des permis de construire relève de sa compétence, en vertu de l’article L 222-1 du code de l’urbanisme. 

Il doit s’assurer que le permis délivré l'est en conformité avec le PLU de sa commune.

Pour cela il conviendra de se référer au secteur du projet par rapport à la carte annexée au PLU (zonage) et aux règles de densité qui s’y rapportent.

Bien souvent c’est à cette occasion, que les riverains découvrent avec stupéfaction ce qu’est réellement une « urbanisation mesurée »… qui permet par exemple la construction de petits immeubles de 10 m de hauteur.

Il reste que la densité autorisée n’est pas tout et que le pétitionnaire doit également s’assurer de la desserte de son projet.

L'Art. R. 111-5  du Code de l’urbanisme précise que :

« Le projet peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à son importance ou à la destination des constructions ou des aménagements envisagés, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l’utilisation des engins de lutte contre l’incendie.

Il peut également être refusé ou n'être accepté que sous réserve de prescriptions spéciales si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l’intensité du trafic »

Il incombe au Maire de s’assurer de l’existence d’une desserte suffisante de la parcelle par une voie ouverte à la circulation publique et, de l’existence d'un titre créant une servitude de passage donnant accès à cette voie (CAA Marseille, 18 janv. 2018, Cne de Berre-l’Étang, n° 16MA03427). 

La règle n’est cependant applicable qu’à la desserte du terrain, pas à la desserte à l’intérieur du terrain des constructions.

Un grand nombre de véhicules peut justifier également que le passage soit suffisamment large pour permettre leur croisement.

Il faudra également démontrer que les véhicules de lutte contre l’incendie pourront se rendre sur les lieux en cas d’alerte.

En revanche, « la circonstance que la réalisation d’un projet portant sur 28 appartements et 3 commerces est susceptible d’accroître l'importance de la circulation de la rue n'est pas de nature à entacher le permis de construire d'illégalité dès lors que la voie concernée présente une largeur de 7 m de large, qu'est prévu son élargissement partiel à 12 m au droit de l'immeuble projeté" (CAA Marseille, 4 déc. 2009, Smara et a. c/ Cne de Nice, n° 07MA02086).

Pour vérifier si un accès est praticable, le juge pourra rendre sa décision en tenant compte de l’absence de visibilité, de l’existence ou pas de feux tricolores (CAA Nantes, 18 déc. 1996, Santos) ou de l’importance du trafic, de l’étroitesse de la voie, de l’absence de trottoir, de l'interdiction ou de l'autorisation de circuler des poids lourds et du non-respect en fait des règles de stationnement (CAA Nantes, 26 janv. 1995, Cne de Douvres-la-Délivrance).

Il y a donc ici matière pour les opposants à un projet immobilier d’ampleur pour contester l’autorisation donnée par le Maire ou le préfet en s’appuyant sur les règles régissant les accès.



Me Laurent Gimalac, Docteur en droit de l’environnement,

Avocat spécialiste en droit de l’environnement (Paris et Côte d’azur).


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