Refus d'un permis à la suite d’un avis négatif dans le cadre de la nouvelle compétence «GEMAPI ».


Par Laurent GIMALAC, Docteur en droit, Lauréat et Avocat spécialiste en droit de l’environnement.



Le permis de construire peut-il être refusé à la suite d’un avis défavorable «GEMAPI » ? Et quelles sont les voies de recours envisageables par le pétitionnaire ?


1°/ Le transfert des compétences

La loi MAPTAM du 27 janvier 2014 a modifié l’article L. 211-7 du Code de l’environnement dispose que « les communes sont compétentes en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations. Cette compétence comprend les missions définies au 1°, 2°, 5°, 8° du I (…)». En intégrant cette phrase, le législateur a délivré aux communes une compétence propre, que l’on nomme la « GEMAPI».

À compter du 1er janvier 2018, par application de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (dite, loi MAPTAM) modifiée par la loi n°2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe), l’exercice de la compétence GEMAPI est confié à titre exclusif et obligatoire aux communes ou, lorsque ces communes sont membres d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, à ces EPCI-FP.


2°/ Le domaine de compétence GEMAPI

La réforme concentre entre les mains d’un même échelon de collectivités des compétences qui étaient éparpillées.

Rappelons que la compétence GEMAPI est définie par les alinéas suivants du L. 211-7 du code de l’environnement dans les termes suivants :

– 1° L'aménagement d'un bassin ou d'une fraction de bassin hydrographique ;

– 2° L'entretien et l'aménagement d'un cours d'eau, canal, lac ou plan d'eau, y compris les accès

à ce cours d'eau, à ce canal, à ce lac ou à ce plan d'eau ;

– 5° La défense contre les inondations et contre la mer ;

– 8° La protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines.


3°/ La responsabilité des Maires pour délivrer le permis de construire

Cependant les pouvoirs de police générale du Maire (art L2212-2 du CGCCT), de police de la salubrité des cours d’eau (art L2213-29 à L2213-31 du CGCT) et de police de la conservation des cours d’eau (art L215-12 CE) ne sont pas transférés.

De même la délivrance du permis de construire relève toujours de la police administrative générale des Maires ( L2112-2, L2212 CGCT).

Toutefois, les Maires ne prennent pas la décision seuls, ils prennent des avis et consultations avant de délivrer le permis de construire.

Or un avis négatif « GEMAPI » peut être de nature à motiver un refus de permis compte tenu d’un risque naturel inondation.


4°/ La saisine du juge et la prise en compte du risque naturel

Le refus de permis de construire peut faire l’objet d’un recours gracieux et/ou d’un recours en annulation contentieuse devant le tribunal administratif, mais il faudra démontrer soit que le projet est compatible avec le risque, soit que le risque a été surévalué ce qui n’est pas toujours aisé.

En effet, le Conseil d’Etat a depuis longtemps posé le principe que « les prescriptions d’un plan de prévention des risques naturels destinées à assurer la sécurité des personnes et des biens et valant servitudes d’utilité publique s’imposent directement aux autorisations de construire. Il incombe à l’autorité compétente en matière d’urbanisme de faire elle-même application de ces dispositions » (CE 28 décembre 2012).

Les juges administratifs ont même admis que « qu’une demande d’autorisation de construire puisse être refusée pour un motif relatif aux risques alors même que le PPRNP approuvé ne classait pas la parcelle concernée en zone à risques » au visa de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme (CAA Bordeaux, 6 oct. 2015, n° 14BX03682, n° 15BX01258, Préfet de la Charente-Maritime : AJDA 2016, p. 504, note J. Martin).

Ainsi, l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme «  peut aussi, si elle estime, au vu d’une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation d'espèce qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation de construire est sollicitée, y compris d'éléments déjà connus lors de l'élaboration du plan de prévention des risques naturels, que les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique le justifient, refuser, sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de délivrer un permis de construire".

Afin d’éviter que la procédure ne soit trop longue, on pourra avoir recours à  l’article L. 521-1 du code de justice administrative, qui prévoit que la procédure de référé-suspension est ouverte contre « toute décision administrative, même de rejet », à charge pour le requérant de justifier de l’urgence à suspendre la décision et « d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à [sa] légalité ».

L’urgence sera caractérisée dans les les cas suivants :

- compte tenu du préjudice financier en résultant (la décision suspend un projet de 12 logements, de locaux commerciaux et parkings enterrés, avec l’obligation de verser une somme de 54 793 F à un organisme prêteur, TA Nice, réf., 19 juillet. 2001, EURL « GB » c/ Cne du Lavandou, n° 011476 ; ou de la réhabilitation d’un bâtiment en vue de la création de 5 logements, TA Nice, réf., 20 septembre 2001, SARL La Florentine c/ Cne de Pourrières, n° 013191).

- ou si la promesse de vente consentie sous la condition suspensive de son obtention avant une date déterminée était susceptible de devenir caduque (CE, 23 janv. 2004, Cne Meyreuil, n° 257779).


En conclusion, les pétitionnaires doivent veiller à vérifier quand ils acquièrent un terrain pour construire qu’il n’est pas susceptible d’être exposé à un risque inondation même en l’absence de plan de prévention des risques naturels ! Cette information n’est pas nécessairement présente dans l’acte authentique ou le compromis de vente et donc la vigilance doit être accrue.


© Cabinet de Me Gimalac Avocat - Paris, Lyon, Cannes, Grasse - IDF et French Riviera  - 2020