Désenclavement d’une parcelle : l’expert est-il obligé de tenir compte de l’usage futur de la propriété ?

Par Me Laurent Gimalac, Docteur en droit, Avocat spécialiste en droit de l'environnement.


Le droit de se désenclaver un fonds est prévu par le code civil, dès lors qu’il n’existe pas d’accès suffisant à la voie publique (art. 682 du cc).

Il est nécessaire que la voie publique assure un « passage suffisant pour la desserte complète du fonds enclavé » (Civ. 3e, 19 mai 1993, n° 91-14.819). A défaut, il faudra créer ce passage, ce qui ne manquera pas de susciter la réticence des voisins qui ne veulent pas subir cette gène qu’ils n’avaient pas anticipée.

Une expertise judiciaire sera donc souvent nécessaire pour déterminer la solution la plus courte et la moins préjudiciable.

Pour autant, l’expert doit-il adapter sa réponse à l’usage futur de la parcelle à désenclaver ?

La réponse a été donnée par la jurisprudence civile.

Le droit de passage doit permettre l’utilisation « normale » du fonds dominant, quel que soit son mode d’exploitation (Civ. 3e, 7 avr. 1994, n° 89-20.964  , Bull. civ. III, n° 81), qu’il s'agisse d'habitation, d'artisanat, d'industrie, de commerce, d'agriculture, d'élevage, ou encore d'une champignonnière souterraine (Civ. 1re, 3 déc. 1962, Bull. civ. I, n° 436).

On citera l’arrêt rendu par la Cour de cassation en 1994 qui est particulièrement clair à ce sujet :

« Mais attendu que l’article 682 du Code civil ne distinguant pas entre les divers modes d’exploitation dont peut être l’objet le fonds dominant, la cour d’appel, qui, sans avoir à répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a relevé, par motifs propres et adoptés, que la propriété de Mme Z..., située sur un terrain en forte déclivité dans une zone à risque d'incendie, ne disposait que de deux sentiers muletiers, sinueux, glissants et abrupts ne permettant pas l'accès des engins agricoles et autres véhicules sur une parcelle supportant une construction à usage d'habitation et un terrain complanté d'arbres fruitiers, a ainsi caractérisé l'utilisation normale du fonds et souverainement retenu que le passage réclamé par Mme Z... était le seul propre à fournir à son fonds une issue suffisante..." (Cour de cassation – Troisième chambre civile – 7 avril 1994).

Les riverains ne pourront donc pas réduire le droit de passage à un simple accès piétonnier en cas de demande de désenclavement …


Me Laurent Gimalac, Docteur en droit de l’environnement,

Avocat spécialiste en droit de l’environnement et droit communautaire.

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