Une pollution provenant d’un terrain limitrophe est-elle une information essentielle qui justifie la résiliation de la vente ?


Par Me Laurent Gimalac, Avocat spécialiste en droit de l'environnement et docteur en droit privé.



Une pollution provenant d’un terrain limitrophe est-elle une information essentielle qui justifie la résiliation de la vente ?  La réponse est négative selon la cour d’appel de Paris dans un arrêt en date du 23 juin 2017.


Dans cette affaire, alors que le délai pour agir sur le fondement des vices cachés était expiré, la Cour d’appel de Paris s’est prononcée  sur l’étendue du devoir d’information du vendeur. Ce dernier avait en effet « omis » de signaler que son terrain avait été contaminé par une pollution provenant d’un site limitrophe.


La Cour d’appel élevé d’une part que la vente ne portait pas sur une parcelle sur laquelle avait été exploitée une ICPE (qui impose une information spéciale de l’acheteur) et que la pollution par transfert ne relevait pas de l’obligation générale d’information :


"S'agissant du manquement à l'obligation d'information de droit commun du vendeur imputé par l'acquéreur à la société Faiveley transport Amiens, venant aux droits de la société SAB Wabco, cette société exerçait une activité de fabrication et conception d'appareil et de système de freinage pour matériel ferroviaire sur son site de Sevran, vaste ensemble industriel comprenant la parcelle vendue à la société Together laquelle utilise les locaux en tant que bureaux, entrepôt de textile et logistique. La société Together reproche au vendeur de "ne pas avoir informé l'acquéreur sur l'exploitation d'installations soumises à la législation des installations classées sur le site et, partant, de n'avoir pas attiré son attention sur l'existence éventuelle d'une pollution de ceux-ci". 


Mais, si la société SAB Wabco exerçait ses activités sur son site industriel de Sevran-Livry-Gargan, seules certaines d'entre elles étaient soumises à la législation des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Or, dans son rapport du 30 juin 2010, la société Soler environnement précise que la préfecture a indiqué ne pas avoir connaissance d'ICPE sur les parcelles vendues à la société GDLMA, que le service technique interdépartemental d'inspection des installations classées n'a pas été en mesure de lui répondre, que la mairie de Livry-Gargan n'a pas retrouvé dans ses archives de documents permettant d'apprécier l'existence d'ancienne installation de cette nature, et que la mairie de Sevran ne disposait pas d'information concernant cette zone. Aucune information contraire n'est fournie par les rapports complémentaires d'ICF environnement, URS ou Astarté (Berton-Rousseau) synthétisés dans un rapport Anteagroup. 


Par suite, il ne peut être reproché au vendeur de ne pas avoir informé l'acquéreur d'un fait qui n'est pas établi. 


Si une pollution du sol des parcelles vendues a bien été constatée dans le rapport Soler environnement de 2010, cependant, aucun des rapports établis postérieurement, produits par la société Together ne permet d’établir avec certitude que cette pollution ait existé antérieurement ni qu’elle trouve sa cause dans l’activité exercée par le vendeur sur le terrain vendu alors que ces rapports n’excluent pas que des polluants en provenance d’autres sites à risques tels que ceux exploités par Kodak et par EDF aient été transportés par les eaux souterraines (…) Par suite, la société Together, qui ne prouve pas que le vendeur ait eu connaissance lors de la vente de 1989 d’un risque de pollution, ne peut lui faire grief de ne pas l’en avoir informée. "


Il subsistait donc une sorte « d’angle mort » dans l’obligation générale et spéciale d’information des vendeurs que ces dernières peuvent exploiter pour revendre leur terrain sans craindre une action en résolution de la vente. Toutefois, depuis la récente réforme du code civil, l’obligation pré-contractuelle est plus que jamais à l’ordre du jour, et prend une place essentielle dans les négociations avant signature du compromis. 

Ainsi l’article 1112-1 du code civil dispose que « Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ».

Et le code civil de préciser : « Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties ».

On peut donc imaginer que la jurisprudence puisse encore évoluer pour mieux tenir compte de cet impératif, ce d’autant, que le champ d’application du dol et celui de l’information pré-contractuelle ne se recoupent pas exactement.

L’avenir le dira.


Me Laurent GIMALAC, Avocat et docteur en droit privé,

Lauréat de l’Université. 


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