Classement en zone totalement inconstructible après la vente : l’acquéreur peut-il agir pour vice caché en restitution d’une partie du prix ?


Par Me Laurent Gimalac, Avocat spécialiste et docteur en droit privé.


Certains terrains sont partiellement constructibles et sont ensuite classés en zone inconstructible par la Commune. 

L’investisseur découvre alors à l’occasion du dépôt d’un permis de construire qu’il ne peut plus rien faire de son terrain, et qu’il a donc acheté un bien qui ne vaut presque plus rien…

Peut-il alors se retourner contre son vendeur qui lui, assurément avait connaissance d’un classement partiel et pouvait donc se douter que le terrain pouvait peut être un jour être classé en zone inconstructible ?

Une affaire similaire avait été présentée devant la cour d’appel d’Angers (CA Angers, 11 juin 2013), puis un pourvoi en cassation déposé devant la plus haute cour.

La réponse des juges a été cinglante sur le terrain des vices cachés :

« Mais attendu qu’ayant constaté qu’au jour de la vente, le terrain était partiellement constructible et que la totalité de la parcelle n’avait été classée en zone inconstructible inondable que par arrêté préfectoral du 20 avril 2006, la cour d’appel a pu en déduire que les acquéreurs ne rapportaient pas la preuve qui leur incombe d'un vice d'inconstructibilité antérieur à la vente..." (Arrêt n° 1332 du 13 novembre 2014 n°13-24.027 - Cour de cassation - Troisième chambre civile).

Autrement dit, les acquéreurs ont été déboutés de leur procédure parce que le vice était vraisemblablement postérieur à la vente (le terrain étant partiellement constructible avant la vente).

La Cour de cassation a aussi répondu au moyen tiré de l’erreur commise par les acheteurs au moment de la signature de l’acte authentique :

« Mais attendu qu’ayant relevé que M. et Mme X… ne pouvaient ignorer l'enquête publique ordonnée dans le cadre de la révision du plan de prévention des risques naturels d'inondation et avaient accepté d'acquérir en toute connaissance de cause un terrain partiellement inondable, donc partiellement inconstructible et exactement retenu qu'ils ne pouvaient invoquer une décision administrative postérieure à la vente classant le terrain intégralement en zone inconstructible pour justifier leur demande d'annulation du contrat pour erreur sur la substance, l'extension de l'inconstructibilité à toute la surface du terrain et le refus de délivrance du permis de construire n'étant pas inéluctables au jour de la vente, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision".

Dans une autre affaire, les acquéreurs ont eu plus chance puisque la Cour de cassation a admis  que l’inconstructibilité du terrain due à son caractère inondable le rendait impropre à son usage de terrain à bâtir et constituait un vice caché, et elle a confirmé l’arrêt rendu précédemment rendu par la Cour d’appel (Cour de cassation, 3e civ. 20-05-2014, n° 13-12.685 nº 698 F-D). Non seulement elle confirme que l’exposition à un aléa élevé d’inondation constitue un vice caché, mais elle relève que cette information n’a été véritablement notifiée  qu’après la signature de l’acte authentique.

En conclusion, on ne saurait trop être prudent lors de l’achat d’un terrain qui déjà fait l’objet de restrictions de constructibilité pour cause de risque naturel. Une obligation de renseignement pèse sur les épaules des acheteurs qui doivent vérifier qu’une procédure de révision du plan de prévention des risques n’est pas déjà en cours, faute de quoi leur recours contre le vendeur risque d’être illusoire tant sur le plan de l’erreur que des vices cachés.



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