Compromis de vente à réitérer chez le notaire, jurisprudence récente.

Par Me Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste au  barreau de Grasse, Bureau secondaire à Paris, Docteur en droit privé



Un compromis de vente peut-être "ferme" ou soumis à des conditions suspensives (obtention d'un prêt ou d'une autorisation...). Dans tous les cas, vous devez prendre garde car l'engagement est ferme et vous engage : le compromis synallagmatique "vaut vente", quand bien même il n'aurait pas été rédigé par un notaire. Le passage devant le notaire est néanmoins nécessaire pour le rendre opposable aux tiers (par le truchement de la publicité foncière).


La jurisprudence est venue régler des problèmes récurrents d'une importance pratique considérable, en rapport avec la condition suspensive présente dans le compromis, le dépassement des délais de régulairsation ou les clauses de financement du prix entre concubins.



I - EN CAS DE CONDITION SUSPENSIVE, L'ÉVENTUELLE MAUVAISE FOI DE L'ACHETEUR EST CARACTÉRISÉE EN MATIÈRE D'OBTENTION DE PRET


Le compromis est souvent assorti d'une condition suspensive d'obtention de prêt. Si le prêt n'est pas obtenu, l'acquéreur n'est plus lié.


Il a été rappelé par la jurisprudence que l'acquéreur devait se conformer strictement aux prescriptions du compormis à ce sujet et ne pas demander un prêt à un taux dérisoire qui l'exposerait à un refus systématique.


La Cour d'appel de Versailles avait débouté dans un premier temps un promettant de sa demande au motif que peu importe que Mme Y ait sollicité un taux de 4,20 %, le taux de 4,75 % mentionné dans le compromis étant un taux maximum mentionné et que le souhait de bénéficier d'un meilleur taux ne pouvait être considéré comme abusif.

Toutefois, au visa du même art. 1178, cette décision a été censurée par la Cour de cassation dans les termes suivants :

« attendu que pour débouter M. X. de sa demande de clause pénale, l'arrêt retient qu'il est reproché à Mme Y. d'avoir demandé à la BNP un prêt à un taux inférieur au taux prévu à la promesse de vente, qu'il est vrai qu'elle a demandé une simulation sur la base de 4,20 % dont il n'est pas démontré cependant qu'elle soit fantaisiste, que le seul fait de demander un taux légèrement inférieur au taux prévu par la promesse ne constitue une faute justifiant la mise en jeu de la clause pénale, et qu'il n'y a pas une "instrumentalisation" de la condition suspensive, ainsi que le prétend M. X.
Qu'en statuant ainsi, tout en constatant, d'une part que Mme Y avait sollicité de la banque BNP Paribas un prêt à un taux ne correspondant aux caractéristiques de la promesse, d'autre part, qu'elle se contentait de produire une lettre de Cetelem indiquant que son dossier avait été détruit, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations a violé le texte susvisé
 ».

La Cour de cassation fait donc une stricte application du respect des caractéristiques du prêt prévues dans l'acte.

 Cass. Civ, 3e, 20 nov. 2013, pourvoi n° 12-29.021 FS-P+B+I, cassation


II - EN CAS DE DÉPASSEMENT DU DÉLAI DE RÉITÉRATION DE L'ACTE DEVANT LE NOTAIRE, L'AUTRE PARTIE N'EST PAS DÉPOURVUE DE RECOURS


Il est souvent prévu un délai ferme pour réitérer devant notaire, un compromis de vente, ce qui confère une force exécutoire et son opposabilité aux tiers.


Mais il arrive parfois que les démarches pour réitérer le compromis soient compromises par un retard, provoqué par l'acheteur, le vendeur ou encore un tiers (la banque...).


Dans ce cas, le compromis est-il caduque et le vendeur retrouve-t-il sa liberté pour vendre à une autre personne ?


La solution varie suivant la rédaction du compromis. S'il est prévu une date extinctive limitative, le vendeur doit faire constater par son notaire que le compromis est caduc puis demander en référé l'autorisation judiciaire de récupérer le dépôt immobilisé.


En l'absence d'une telle clause, une autre procédure doit être suivie : une sommation par huissier, un procès verbal de carence établi par le notaire et une assignation devant le tribunal de grande instance par un avocat. Il faut obtenir de l'acquéreur une renonciation par écrit, ou encore une décision judiciaire qui constate l'extinction du compromis.


La cour de cassation vient d'apporter une autre précision importante : il ne faut pas confondre la date extinctive et la date constitutive du point de départ pour demander la réitération de l'acte. 


"Pour constater que la défaillance de la condition suspensive avait entraîné la caducité de la vente et ordonner la restitution du dépôt de garantie aux consorts Y, l'arrêt d'appel retient que le fait qu'il n'ait pas été précisé dans le compromis de date butoir spécifique pour la réalisation de la condition d'obtention du prêt est indifférent, dès lors qu'il était convenu que la signature de l'acte devait intervenir au plus tard le 30 sept. 2008, ce qui impliquait nécessairement que les conditions suspensives devaient être réalisées à cette date.

En statuant ainsi, alors que la promesse de vente n’avait enfermé la réalisation de la condition suspensive dans aucun délai et que la date avant laquelle la réitération devait intervenir n'était pas extinctive mais constitutive du point de départ à partir duquel l'une des parties pourrait obliger l'autre à s'exécuter et sans rechercher s'il était devenu certain que la réalisation de la condition n'aurait pas lieu, la cour d'appel a violé les art. 1134 et 1176 du Code civil." (Cass. Civ. 3e, 15 janv. 2014 , N° de pourvoi : 12-28.362, cassation, inédit).


III - EN CAS DE CLAUSE DE REPARTITION DE PRIX PAR MOITIÉ ENTRE LES DEUX CONCUBINS


Il est fréquent que les concubins acquièrent un bien immobilier en spécifiant dans le compromis et dans l'acte authentique qu'ils se répartissent par moitié le prix de vente. Mais cette clause évite-t-elle tout différend sur la nouvelle répartition en cas de revente ?


Rien n'est moins sûr, car la cour de cassation vient de rappeler que "que la clause de répartition du prix de vente par moitié entre les vendeurs figurant au compromis de vente, ne comportait pas la renonciation expresse de l'un d'entre eux à se prévaloir de sa créance envers l'autre, y compris au titre des sommes versées à celui-ci afin de régler sa part du prix d'achat du bien indivis, la cour d'appel a dénaturé cette clause et méconnu les principes régissant la renonciation à un droit."


Autrement dit, si l'un des concubins a aidé son conjoint avec ses fonds propres pour qu'il puisse régler sa part du prix, il peut ensuite l'assigner pour demander son remboursement. La solution dégagée par la cour de cassation est d'une importance pratique considérable...

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