Demande d’annulation d’un permis de construire : la chasse aux recours abusifs ou non motivés a commencé…


Par Laurent GIMALAC, Docteur en droit, Lauréat et Avocat spécialiste en droit de l’environnement.



Un voisin chagrin veut faire échouer votre projet de construction ou d’extension sur votre propriété. Jusqu’à présent il pouvait sans crainte déposer un recours contentieux devant le tribunal administratif contre le permis délivré, le modificatif ou encore le permis de transfert en respectant simplement le délai de deux mois à compter de son affichage sur le terrain… Et une longue procédure s’ensuivait parfois plus de deux ans en fonction de la complexité du dossier et les méandres de la juridiction administrative… et vous deviez attendre tout ce temps avant de réaliser votre projet… ou prendre le risque d’une future démolition après l’annulation du permis de construire querellé. Sauf que cela risque aujourd’hui de changer…

Les réformes successives de la procédure contentieuse du permis de costumier renverse sensiblement le rapport de force.

Il faut désormais sérieusement motiver sa requête si l’on veut avoir une chance d’être entendu par la juges et surtout motiver son intérêt à agir contre le permis du voisin.

Ainsi que le Conseil d’Etat (CE 17 mars 2017, req. n°396.362, aux tables du recueil Lebon) a été déjà conduit à retenir que : 

« Il résulte de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme qu’il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien.

Lorsque le requérant, sans avoir contesté le permis initial, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé ».


Les juridictions du premier degré ont emboité le pas.


Ainsi, le Tribunal administratif de Nice a jugé irrecevable pour d’intérêt pour agir, un recours formé par un voisin contre un permis de modificatif délivré par le maire de Mougins, en ces termes (28 juin 2018, n° 1604484, 5ème considérant) :


« Il ressort des pièces du dossier joint à la demande de permis de construire modificatif que le dispositif de drainage en partie basse du terrain s’effectue, au moyen d’un réseau enterré, sur la propriété de Mme A., cadastrée CI 252 et non contrairement à ce que le soutiennent les requérantes, sur les parcelles CI 250 et 251 leur appartenant. Si celles-ci invoquent, par ailleurs, la survenue d’inondations sur leur terrain et produisent un procès-verbal de constat d’huissier dressé le 29 février 2016, les photographies qui y sont annexées ne montrent pas d’inondations, lesquelles, en tout état de cause, n’auraient pu se rattacher qu’aux travaux de construction autorisés initialement et que le permis de construire modificatif a pour but de prévenir. Enfin, à défaut de toute précision particulière, leurs allégations selon lesquelles le projet affecterait « la situation hydrogéologique du secteur » ne sont pas suffisamment établies, alors que la commune soutient sans être contredite que les parcelles en cause ne sont pas situées dans une zone inondable et ne présentent pas de caractéristiques géologiques particulières. Par suite, Mme Ghislaine F. et Mme Nicole F. ne peuvent être regardées comme justifiant d’un intérêt suffisant leur donnant qualité pour contester le permis de construire modificatif litigieux. Leur requête ne peut, dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre fin de non-recevoir qui lui est opposée, qu’être rejetée comme irrecevable ».


Le décret 2018-617 du 17 juillet 2018 apporte des précisions importantes et renforce les exigences jurisprudentielles.


Comme le rappelle le JO, le  décret  fixe un délai de jugement pour certaines autorisations et impose la production des pièces démontrant l’intérêt à agir. 


Ainsi non seulement, il faudra motiver l’existence d’un réel impact du projet sur son cadre de vie, mais aussi apporter des pièces justificatives apportant la preuve de sa qualité pour agir (titre de propriété etc.)


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