Vente et devoir d’information du vendeur en présence d’un cours d’eau sur son terrain.

Par Me Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste  - Docteur en droit privé




Lorsqu’on vend un terrain, la surface exacte doit en principe est rappelée dans le compromis et l’acte authentique car il s’agit d’une mention essentielle sur l’objet même de la vente. Si cette surface est sensiblement inexacte cela peut entraîner une action pour défaut de délivrance de la chose vendue (ou une action spécifique sur le fondement de la Loi carrez pour les surfaces d’appartements en copropriété). 


Mais quid si la surface du terrain est exacte mais qu’il n’a pas été signalé à l’acheteur qu’elle comprend pour une partie importante un cours d’eau qui rend cette partie inconstructible ? Les acheteurs auraient du normalement en avoir connaissance en visitant les lieux… Peuvent-ils tout de même disposer d’un recours en indemnisation ?


Dans ce cas, la jurisprudence se montre plutôt protectrice des droits des acheteurs. Il a été jugé en effet que :


"qu'aucune annotation relative à la présence d'un ru au droit de la parcelle n° 54 ne figure sur le plan de situation annexé à l'acte ; la mention ' le Petit Therain ' au droit de la parcelle n° 36 et la mention (Rivière) Le Therain à l'autre extrémité du lotissement par rapport à la parcelle acquise par Monsieur et Madame X..., ne permettent en aucun cas de comprendre que la superficie du lot acquis par Monsieur et Madame X... englobe la moitié de la superficie du cours d'eau qui le jouxte, ce d'autant que le plan de détail du lot n° 54 ne comporte aucune référence au cours d'eau ' le Petit Therain '. La superficie de 277 m2 est notée sur le plan du lot n° 54 sans autre détail ; qu'aucune précision ni dans l'acte authentique ni dans les plans annexés n'indique que la vente porte non seulement sur un terrain mais également sur une partie du cours d'eau le tout pour une superficie de 277 m2 ; qu'il résulte du plan du cabinet Pascal Y..., géomètre, dressé au mois d'août 2008, que le terrain dont M. et Mme X... sont entrés en possession mesure 277 m2 dont 34 m2 hors jouissance compte tenu de la présence du ru et des berges délimitées par une clôture ; qu'en raison de la présence de ce ru entraînant une privation de jouissance d'une partie du terrain, les caractéristiques du terrain livré à M. et Mme X... ne sont pas conformes à l'acte de vente ; que le fait que M. et Mme X..., en visitant les lieux, aient eu connaissance de la présence du ru jouxtant leur terrain et que le risque d'inondation ait été noté dans l'acte importe peu dès lors que rien ne permettait à M. et Mme X... de comprendre que leur acquisition portait sur une partie de ce ru ; que dès la prise de possession des lieux, M. et Mme X... ont émis une réserve relative à la superficie du terrain ; que c'est donc de manière parfaitement fondée que les premiers juges ont estimé que la S. A. S. Geoxia Immobilier avait manqué à son obligation de délivrance conforme ».


Les conséquences d’un tel manquement représentent la perte d’une chance de ne pas contracter ou de contracter à un prix plus faible qu’il convient d’indemniser comme le rappelle  la cour de cassation (Cour de cassation chambre civile 3 Audience publique du mardi 3 décembre 2013 N° de pourvoi: 12-23.918) dans les termes suivants  :


«  que le manquement du vendeur à son obligation d’information leur cause un préjudice ; et que les frais d’entretien futurs devront être pris en charge par le vendeur ; Qu’en statuant ainsi, alors qu’en manquant à son obligation d'informer les époux X... de la consistance du bien acquis et de l'existence d'une obligation d'entretien, la société Geoxia Immobilier n'a privé les acquéreurs que d'une perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses, qui constitue un préjudice distinct des frais d'entretien..."


Me Laurent GIMALAC, Avocat et docteur en droit privé,

Lauréat de l’Université. 


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