Vente et assainissement : le défaut de raccordement au tout à l’égout non signalé à l’acquéreur.



Par Me Laurent Gimalac, Avocat spécialiste en droit de l’environnement et docteur en droit privé.



Toutes les habitations ne sont pas raccordées ou raccordables au tout à l’égout. Elles doivent donc disposer d’un système d’assainissement autonome en état de fonctionnement et conforme à la règlementation. Les installations sont d’ailleurs désormais contrôlées par les SPANC (services publics des assainissements non collectifs). La législation européenne a contraint la France comme d’autres pays membres à se mette en conformité, la question de l’assainissement étant considérée comme un enjeu majeur de la politique environnementale commune.


Le danger est particulièrement grand pour le vendeur d’une maison de devoir rendre des comptes à l’acheteur si le système d’assainissement autonome n’est pas en état, ou encore s’il nécessite une remise à niveau parce qu’il serait insuffisant.


Les sommes en jeu sont conséquences, souvent plus de 20.000 euros si la vente est annulée (remboursement des frais de notaire de l’acquéreur), voire davantage (50.000 euros parfois)  s’il faut prendre en charge les travaux sur l’assainissement en cas de mise en oeuvre de la garantie des vices cachés. 


Les vendeurs doivent se garder de l’idée qu’une clause de non garantie serait efficace pour limiter leur risque (I). En effet, elle n’empêche pas les juges de mettre en oeuvre la garantie des vices cachés ou encore l’annulation de la vente pour dol (II). Le vendeur pourra à peine se consoler en apprenant que tant le notaire que l’agence immobilière peuvent également voir leur responsabilité engagée (III).


I - UNE FAUSSE PROTECTION : LA CLAUSE DE VENTE EN L’ETAT


Les vendeurs pensent à tort être protégés par la clause de style inscrite par les notaires dans l’acte et qui prévoit que l’acquéreur achète la maison dans  l’état où elle se trouve sans recours en garantie. 


En fait, cette clause ne les protège plus depuis longtemps, sauf s’ils démontrent qu’ils avaient informé leur acquéreur de l’existence du vice. Autrement dit, en cas de silence de leur part, le juge considère qu’il y a eu tromperie (dol) et ils écartent le bénéfice de la clause de non garantie.


Le vendeur devra donc s’entourer de précautions pour éviter une action pour dol laquelle peut toujours être introduite dans les cinq ans comme tout vice du consentement à compter de la découverte du vice. Il pourra par exemple laisser le futur propriétaire entrer dans les lieux avant la vente (par le biais d’un contrat de location) pour éviter qu’il puisse ensuite exciper d’un mauvais fonctionnement de l’assainissement. 


Si la fosse septique ne fonctionne pas, il sera contraint de faire appel à des entreprises agréées pour la remettre en état, ce qui pourra parfois coûter cher. Lorsque le vendeur néglige de signaler qu’il a réalisé des travaux sur la maison, ce fait peut également lui être reproché notamment si les entreprises ne sont pas identifiables, payées en espèces, et que la garantie décennale est donc exclue en cas de difficulté. Là encore la vente peut être annulée par les juges qui ordonnerons la restitution des frais de l’acte de vente à l’acheteur à titre d’indemnisation (Cour d'appel de Douai, Ch. 1, sect. 1, 28 févr. 2013 (RG N° 12/00773).


II - UN VRAI RISQUE POUR LE VENDEUR : LE DOL LE VICE CACHÉ OU LE DÉFAUT DE DÉLIVRANCE ?


1. Annulation de la vente pour dol.


L’acquéreur peut demander la nullité de la vente en invoquant le dol sur une qualité substantielle, ce qui revient à remettre les parties dans leur situation initial (le vendeur reprend le bien vendu, l’acheteur est remboursé). L’action doit être engagée dans les cinq ans de la découverte de la tromperie.


En quoi peut consister la tromperie ?


Il peut s’agir par exemple de cacher le non raccordement au réseau d’assainissement collectif (la maison étant seulement raccordée à une fosse septique). En effet, l'exonération de l'obligation de raccordement au réseau public est subordonnée à l'existence d'une installation d'assainissement non collectif conforme, et doit résulter d'un arrêté du maire à la suite d'une demande de prolongation ou d'exonération, et ce par application des dispositions des art. L. 1331-1 et suivants du Code de la santé publique.


La Cour de cassation a ainsi jugé : «En statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les vendeurs avaient volontairement caché à Mme X le non-raccordement au réseau d'assainissement collectif, ce qui constituait une réticence dolosive, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'art. 1116 du Code civil.» (Cass. Civ. 3, 6 mai 2014, N° de pourvoi : 13-14.159, cassation, inédit).


On trouve également de la jurisprudence qui sanctionne une installation sous dimensionnée (Cour d'appel de Nîmes, arrêt du 29 janv. 2009, n° N° 07/04411) :


«L'acquéreur d'une villa, arguant de la non-conformité de l'assainissement individuel à la législation en vigueur et du sous-dimensionnement de la fosse septique, recherche la garantie du vendeur à raison des vices cachés. Alors que le vendeur a déclaré à l'acte de vente que le contrôle technique de l'installation d'assainissement par le SPANC n'avait pas révélé de difficultés de fonctionnement, le compte rendu de ce contrôle met au contraire en évidence la non-conformité de l'installation à la législation en vigueur et son sous-dimensionnement. Le vendeur se devait d'informer l'acheteur de cet état de fait et des travaux préconisés par le SPANC dans le but de préserver l'environnement mais également d'assurer des conditions sanitaires satisfaisantes aux usagers et de respecter la législation en vigueur. En affirmant la conformité de l'assainissement individuel tant aux normes en vigueur qu'à la destination de l'immeuble vendu, ce qu'il savait être faux, le vendeur a agi de mauvaise foi à l'égard de l'acquéreur. Sa réticence dolosive a vicié le consentement de ce dernier. Et l'existence de cette réticence exclut que le vendeur puisse se prévaloir de la clause de non-garantie insérée à l'acte.»


2. Garantie et indemnité pour vice caché


La non conformité de la chose à sa destination normale peut relever de la garantie des vices cachés. Le vendeur sera ainsi condamné à prendre à sa charge l’intégralité des travaux de remise en état.


Le délai pour invoquer un vice caché est plus court, puisqu’on considère généralement qu’il faut agir rapidement en justice et au plus tard dans le délai de deux ans en matière immobilière.


Une installation défectueuse ou insuffisante constitue bien un vice caché qui sera souvent révélé par une expertise judiciaire.


Tel a été jugé par une cour d’appel en 2013, rappelant que «lors de la vente d'un immeuble, la non-conformité de la chose à sa destination normale relève de la garantie des vices cachés de l'art. 1641 du Code civil. En l'espèce, le mauvais fonctionnement du système d'assainissement d'une maison d'habitation le rend impropre à sa destination et constitue un vice caché dont le vendeur ne pouvait ignorer l'existence pour avoir lui-même réalisé les travaux défectueux et dont les acquéreurs ne pouvaient se rendre compte qu'après leur prise de possession effective de l'immeuble.» (Cour d'appel de Riom, 1re Ch. civ., 18 mars 2013 (R.G. N° 12/01147).


3. Ou encore défaut de conformité hors vice caché


L’absence de raccordement au réseau public d’assainissement peut aussi être considéré comme un défaut de conformité et non un vice caché dès lors que l’immeuble avait été vendu comme étant raccordé. 

 Cass. Civ. 3e., 28 janv. 2015, pourvois 13-19.945, 13-27.050, rejet


III - UNE RESPONSABILITÉ PARTAGÉE AVEC LES INTERMEDIAIRES 


Il est possible à l’acquéreur de se retourner également contre les intermédiaires comme l’agence immobilière qui a rapproché les parties ou le notaire qui a rédigé l’acte authentique.


Parfois, le notaire revêt cette double qualité et encourt une responsabilité aggravée.


Une cour d’appel a condamné un notaire « d'avoir commis un manquement à son obligation de conseil et d'information en sa qualité de négociateur, puis de rédacteur de l'acte, en ne procédant pas aux vérifications qui s'imposaient pour s'assurer des qualités essentielles du bien qu'il vendait.» «Il lui appartenait en effet, et alors qu'il savait que son mandant ne connaissait pas l'état de l'immeuble, de faire vérifier par un professionnel, au même titre que l'installation de chauffage et le branchement du réseau d'assainissement, la structure de cet immeuble dans la mesure où l'état des façades était masqué par du lierre et qu'en sa deuxième qualité de rédacteur de l'acte, il savait qu'il y serait inclus expressément une clause d'exclusion de garantie des vices cachés». (Cour d'appel de Limoges, Ch. Civ., 13 juin 2013, N° de RG : 12/00450).


L’agent immobilier lui-même n’est pas épargné. C’est le cas notamment lorsqu’il ne pouvait ignorer l’obligation d’un raccordement au réseau public sauf dérogation expresse du maire : «l’obligation de raccordement au réseau collectif d'assainissement étant réelle et non hypothétique, l'agent immobilier doit être condamné à garantir le vendeur de toutes les condamnations mises à sa charge en principal, intérêts et frais au titre de la garantie qu'il doit du fait du défaut de l'immeuble à son acquéreur.» (Cour d'appel de Colmar, Ch. civ. 3, sect. A, 30 juin 2014, N° 14/0531, RG 12/06073).


Me Laurent GIMALAC, Avocat et docteur en droit privé,

Lauréat de l’Université. 



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