Lotissements et caducité des règlements ou des cahiers des charges.


Par Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste, docteur en droit privé.


La réforme introduite le 16 novembre 2011 par Loi ALUR entraîne des conséquences capitales sur le devenir des règles applicables aux lotissements. 


Juxtaposée avec les nouvelles dispositions d’urbanisme , cette réforme risque de créer de bonnes ou mauvaises surprises selon que l‘objectif est de densifier les constructions ou au contraire de préserver un cadre de vie peu densifié…


Rappelons en effet, que depuis déjà quelques années a été supprimé le COS sauf pour les anciens POS (disparition avec les PLU) et les surfaces minimales pour construire.


Il en va de même de la SHON et SHOB et l’on parle de surface de plancher désormais.


On peut donc gagner jusqu’à 10% en droit de construire.


Certes il existera toujours des moyens indirects pour les Communes de limiter les constructions comme par exemple des surfaces de végétation imposées etc., mais d’évidence la Loi ALUR pousse à la densification forcenée dans les lotissements, y compris ceux qui étaient jusqu’alors protégés par un règlement et un cahier des charges.


1°/ La grande réforme sur la règle des 10 ans dans les lotissements.


Les lotissement sont régis en principe par un Règlement et/ou un cahier des charges.


Comme son nom l’indique, le premier document a une nature règlementaire et contient des règles à  caractère urbain (hauteur, prospect…) alors que le cahier des charges ne devrait contenir que des règles et servitudes de droit privé.

Les règlements des anciens lotissement ont progressivement disparu par l’application de la règle des 10 ans : ils devaient en effet être prorogés à une majorité renforcée pour être renouvelés au terme de 10 ans, sinon le PLU de la Commune se substituait de plein droit.


Désormais c'est fini, il n’y a plus de prolongement possible. La loi veut mettre fin à la prolongation perpétuelle de ces règlements dont les effets prennent fin immédiatement même en cas de prorogation décidée par les co-lotis.


2°/ L’extension aux cahiers des charges non publiés


Les cahiers des charges étaient encore épargnés par cette disposition car ils ne contenaient pas en principe, de dispositions règlementaires, et avait un caractère privé.


Bon nombre de cahiers des charges n’étaient pas publiés mais uniquement mentionnés dans l’acte notarié de l’acquéreur. Ils étaient rédigés par le promoteur qui ensuite imposait aux acheteurs un par un de le respecter par une clause de rappel dans l’acte authentique.


Or la réforme prévoit désormais que le cahier des charges doit avoir été publié sinon il est inopposable. 


Toute disposition non réglementaire qui affecte le droit à construire ou l'affectation de l'immeuble cesse de produire ses effets dans un délai de cinq ans après promulgation de la loi à défaut de publication aux hypothèques, donc au plus tard en 2019.

Il subsiste une incertitude pour définir ce qui est réglementaire ou pas.

Les rédacteurs ne le précisent pas.


Si le cahier est publié, en revanche, il évitera la caducité.

Sauf pour les clauses réglementaires qui subiront le même sort que le règlement, à savoir la disparition.

Le seul fait de qualifier une servitude de servitude de droit privé suffit elle à éviter cette suppression ?

Rien n’est moins sûr.


De plus, la loi élude totalement les difficultés qui peuvent se poser pour publier un cahier des charges qui est souvent un acte sous sont privé.

Normalement, il faudra faire un dépôt au rang des minutes chez le notaire.

Pour publier il faut normalement un acte authentique ou un jugement.

Le notaire peut-il publier un cahier à la demande de deux ou trois personnes ?

Ou faut-il convoquer une assemblée générale de l’ensemble des co-lotis ?

Quelle sera la règle de la majorité ? L’unanimité ? 

L’article 442-10 prévoit la moitié des propriétaires ayant les deux tiers des surfaces pour les modifications de cahier 

Le notaire n'a pas qualité pour convoque, il faudra donc déposer une requête devant le juge du tribunal de grande instance pour autoriser cette convocation.


Enfin, autre source de difficultés, toutes les ASL qui n’ont pas été rendues conformes depuis 2004 n'ont pas de capacité pour agir.

Une autorisation de création de l'ASL sera exigée pour enregistrer la première et donc une AG doit accepter la création à l'unanimité !

C’est ainsi qu’il deviendra possible de déposer la révision.

Ou alors il faudra apporter en préfecture le titre de propriété de tous les colotis qui prouve que le propriétaire a accepté le lotissement. Un beau travail de fourmis !


En conclusion, le législateur en voulant faire prédominer la règle d’urbanisme sur les dispositions spécifiques du lotissement a créé de nouvelles complications, qui promettent de beaux jours aux spécialistes de la question


Me Laurent GIMALAC, Avocat et docteur en droit privé,

Lauréat de l’Université. 

© Cabinet de Me Gimalac Avocat - Paris, Lyon, Cannes, Grasse - IDF et French Riviera  - 2020