Un Ball Trap provoque des nuisances : quels sont les recours pour les voisins ?


Par Laurent GIMALAC, Docteur en droit, Lauréat et Avocat spécialiste en droit de l’environnement.



Si vous habitez à proximité d’un club de ball-trap, cet article pourrait vous concerner.


Jusqu’à présent, les activités de ball-trap ce sont accomplies dans le respect des normes administratives sans crainte d’être remises en cause par le voisinage direct qui, pourtant, subit bon nombre de nuisances. En effet, dès lors que les autorisations administratives requises était obtenues par les club de ball-trap, les voisins  se croyaient démunis contre de telles activités.


Le ball-trap et pourtant un loisir qui n'est pas anodin pour l'environnement. En effet il est reconnu que les débris des cartouches et des plombs, finissent par polluer le terrain du ball-trap voire celui  des propriétaires riverains.


À titre liminaire, il convient de rappeler que l’application de la législation sur les installations classées qui permet un contrôle préfectoral ne va pas de soi. Si l’article L. 511-1 du code de l’environnement dispose que : 


« Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d’une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l’agriculture, soit pour la protection de la nature, de l’environnement et des paysages […] ».


Il semble toutefois qu’il ne s’applique qu’à une liste d’activités dans laquelle ne figure pas expressément les ball-traps.


En revanche, les cartouches de chasse et de ball-trap une fois tirées, doivent être assimilées à des déchets abandonnés et les personnes à l’origine de leur abandon sont responsables de leur élimination dans les filières appropriées au titre de l’article L. 541-2 du code de l’environnement. Il revient au maire de mettre en oeuvre cette police des déchets conformément à la législation en vigueur. Les cartouches peuvent d’ailleurs également être référencées dans la nomenclature des déchets. Il s'agit notamment de déchets pyrotechniques du fait de leur composition d'origine. À ce titre elles devraient faire l'objet d'un recyclage comme toute autre déchet spécial. Le terrain qui recueille ses cartouches et ses déchets est susceptible d’être qualifié également de déchet dès lors qu’il est  contaminé notamment par le plomb ou l’arsenic. A la fin de l’exploitation du ball trap, l’exploitant ou le propriétaire de la parcelle devra donc le traiter et évacuer les terres polluées sous peine d’engager sa responsabilité.


L’activité de ball-trap est également un loisir bruyant. Théoriquement, l’article 6 de la loi du 31 décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit prévoit que de telles activités bruyantes peuvent être soumise à des prescriptions générales ou un système d’autorisation. Toutefois le ministère de l’environnement avait émis des doutes dans une réponse ministérielle du 8 mai 2000 prétextant qu’en l’état actuel des connaissances scientifiques sur la caractérisation du bruit des armes à feu, on ne pouvait pas envisager la mise en place à cours terme d'une telle réglementation !


Comme on peut le constater, les autorités administratives n’était pas pressées et d'encadrer l'activité de ball-trap et notamment de la soumettre au régime des installations classées ou des établissements bruyants.


La vraie réponse environnementale est venue du juge judiciaire, qui, le 7 octobre 2005, a rendu une décision fondée sur l’ancien article 1382 du code civil, faisant date. La cour d'appel de Dijon en effet considéré que l'activité de ball-trap créait un véritable risque de pollution par le plomb et pouvait également entraîner une contamination des eaux souterraines. Elle a assimilé ce risque de pollution « suffisamment  démontré» à un trouble anormal du voisinage. Elle en a tiré toutes les conséquences en condamnant l’association communale de chasseurs à rembourser pendant 30 ans sur justificatifs les dépenses des résultats d’analyses et le coût des contrôle des cinq captages retenus par l’expert et à cesser toute activité de nature à entraîner la présence de plomb sur les parcelles concernées. Dans cette affaire, l’expert avait identifié la présence de près de 4 t de projectiles de plomb sur les parcelles de terre qui appartenait aux voisins d’un club de ball-trap !


Depuis 2005, d’autres décisions confirment la possible nocivité des ball-trap pour l’environnement notamment à proximité d’une zone NATURA 2000 (voir par exemple, l’arrêt de la Cour d’appel d’Amiens – 26 mai 2016 – n° 14/05454 qui ordonne également la désignation d’un expert judiciaire afin de «  décrire et déterminer l’importance de la pollution des parcelles litigieuses et avoisinantes situées en zone NATURA 2000, chiffrer le coût de leur dépollution tout en donnant tout élément technique de fait permettant d’en imputer éventuellement la responsabilité »)


On pourrait ajouter que le propriétaire du terrain est également son gardien et qu’à ce titre il est responsable des dommages provoqués par les choses dont il a la garde (art. 1384 ancien du code civil). Cette responsabilité est une responsabilité sans faute…


Si le ball trap est situé près de cours d’eau, ou de nappes phréatiques, le risque est encore plus grave et les textes répressifs peuvent être mises en oeuvre comme ceux qui sont issus sur la loi sur l’eau qui répriment leur contamination par des rejets toxiques. Il faut également vérifier si cette activité ne jouxte pas une zone NATURA 2000 qui nécessite un surcroît de protection. L’usage de cartouches au plomb est formellement interdit dans les zones humides pour éviter le saturnisme aviaire (JO du 15/10/2013 page 10803).


Enfin, en cas de revente de son terrain par le club de ball trap, ce dernier n’est pas au bout de ses soucis, il est tenu de garantir celui-ci des vices cachés et aura donc tout intérêt d’informer l’acheteur de la présence d’arsenic ou de plomb dans le sol, s’il ne veut pas d’exposer à une action en réduction du prix ou en annulation de la vente dans les deux ans de la signature de l’acte authentique…


En conclusion, si les voisins d’un ball-trap craignent une contamination de leur terrain voire de leur puits, ils disposent désormais d’un recours efficace qui consiste à saisir le juge civil d'une demande d'expertise judiciaire afin d'identifier les risques, leur provenance, et les moyens pour les contrôler voire les réduire.


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