Travaux publics et chute d’un usager : qui est responsable ?


Les chutes des usagers sur le domaine public nourrissent un important contentieux.

la cause paraît entendue : l’usager pourra se retourner contre le titulaire du domaine public s’il est avéré que la chute est due à un mauvais entretien ou à un manque de précautions au cours des travaux de modernisation. Dès lors, il suffit à l’usager, victime d’un dommage survenu sur une voie publique, de rapporter la preuve du lien de causalité entre l’ouvrage public et le dommage dont il se plaint. De son côté, la collectivité en charge de l’ouvrage public  devra alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, « établir que l’ouvrage public faisait l’objet d’un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure » (Cour administrative d’appel de de Bordeaux - 1ère chambre 7 février 2019 / n°17BX00411).

Mais certaines situations sont plus complexes que d’autres.


1° Le statut particulier de certaines voies devenues publiques 

Quid par exemple si la voie intégrée dans le domaine, était à l’origine créée par un lotisseur privé ?

Il a été jugé que ce fait n’était pas exonératoire de responsabilité pour la Commune.

« Une commune ne peut être exonérée de la responsabilité qui lui incombe du fait de l’absence d’entretien normal de la voie publique au motif que la voie sur laquelle est survenu l’accident a été créée par un lotisseur privé, dès lors que cette voie a été incorporée par la suite à la voirie communale" (Conseil d'Etat 16 février 1977 – Lebon 1977).

2° Les travaux réalisés sur un domaine qui n’appartient pas à la personne publique :

Lorsqu’un travail immobilier est exécuté « pour le compte d’une personne publique », il suffit qu’il soit réalisé dans un « but d'utilité générale » pour constituer un travail public. Ainsi des travaux dans une Eglise qui ont entraîné la chute d’enfants et leur blessure, constituent des travaux publics.

La solution est étendue aux travaux sur une propriété privée sous réserve qu’il s’agisse bien de travaux réalisés dans un intérêt général.

Il est cependant exclu que les travaux soient qualifiés de publics si les locaux sont destinés à une personne privée qui en deviendra légalement propriétaire. Il faut donc s’assurer que c’est bien la personne publique qui est destinataire de l’ouvrage.

3° Les ouvrages situés en lisière du domaine public

Pour le contentieux de la responsabilité publique puisse être mis en oeuvre avec ses règles spécifiques qui sont plutôt favorables aux victimes, encore faut-il démontrer que l’ouvrage litigieux fait bien partie du domaine public.

La question de la propriété d’un mur, d’une rambarde ou d’une barrière peut poser difficulté.

Or c’est parfois précisément cet ouvrage qui est la cause première de l’accident.

Suivant les dispositions de l’article L. 2111-1 du CGPPP, seuls les biens d’une personne publique peuvent faire partie du domaine public.

lI revient donc au juge administratif de s’assurer de l’absence de tout titre de propriété privée sur cet ouvrage, ce qui ferait obstacle à une telle qualification (pour un mur longeant une propriété privée, CE, 23 janvier 2012, Département des Alpes-Maritimes, req. n° 334360, Mentionné aux Tables).

Pour être qualifié d’accessoire de la voie publique, le bien doit concourir à l’utilisation d’un autre bien appartenant au domaine public comme le rappelle l’article L. 2111-2 du CGPPP. Tel sera le cas d’un mur qui « évite la chute de matériaux qui pourraient provenir des fonds qui (…) surplombent » et sécurise ainsi la circulation.

En conclusion, l’affectation ou pas de l’ouvrage incriminé au domaine public, va avoir une double incidence sur les règles de compétence matérielle des tribunaux mais aussi sur le régime de responsabilité applicable. Il sera parfois essentiel de résoudre ce premier problème juridique avant d’envisager le régime de réparation des dommages.



Me Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste, Docteur en droit,

Ancien chargé de cours à l’UNSA.


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