Responsabilité du notaire qui rectifie une erreur du compromis de vente sur l’inclusion du terrain dans une zone inondable.


Par Me Laurent Gimalac, Avocat spécialiste et docteur en droit privé.


En cas de vente d’un bien immobilier, les vendeurs sont tenus d’une garantie contre les vices cachés (sauf clause contraire) mais ils ne sont pas les seuls responsables des omissions ou fausses informations qui peuvent induire en erreur les acquéreurs et leur faire regretter leur achat. Le notaire est également responsable en sa qualité de professionnel et doit rédiger un acte authentique qui doit délivrer une information non tronquée et conforme à la règlementation.


Les ventes procèdent souvent d’un compromis initial suivi d’un acte authentique. Quid si le notaire découvre qu’une clause inexact figure dans le compromis de vente et décide de la rectifier dans l’acte authentique en rétablissant la bonne information? Cette correction l’affranchit-il de toute responsabilité ? Faute avouée est-elle pardonnée ?


« Pas si simple » nous répond la cour d’appel de Montpellier qui avait été saisie de cette interessante problématique en 2017. En l’espèce, il s’agissait d’une erreur portant sur le classement de la parcelle en zone inondable.

La promesse de vente ou compromis contenait en effet les mentions suivantes :

"La promesse sous-seing privé en date du 14 août 2007 rédigée par le notaire contient une clause relative aux risques naturels et technologiques ainsi libellée : « Le bien objet des présentes est concerné par un plan de prévention des risques naturels prescrit le 10 janvier 2000, le ou les risques naturels pris en compte sont : inondation. 

Mais l'immeuble objet des présentes est situé hors du périmètre d'exposition délimité par ce plan ainsi qu'il résulte de la copie du dossier communal d'information et de la carte de diagnostic concernant le bien demeurés ci-annexés après mention. (…) 

Un état des risques naturels et technologiques en date du 14 août 2007, soit moins de 6 mois, a été visé par les parties et est demeuré ci-annexé après mention. » 

Cette clause informe les acquéreurs de l’existence d’un plan de prévention du risque inondation sur la commune de Généstas depuis janvier 2000 tout en excluant le bien vendu du périmètre d’exposition délimité par ce plan.".

Or la cour d’appel de Montpellier constate que «  cette dernière information est erronée puisque la carte diagnostic du dossier d’état des risques naturels place l’immeuble dans la zone bleue du périmètre d’exposition (aléa modéré). «  (CA Montpellier, 23 mars 2017)


Et la Cour d’appel de juger :

« Le notaire rédacteur a donc commis une première faute en énonçant dans la promesse une information en contradiction avec le contenu des documents annexés. »

Mais l’affaire aurait pu finalement prendre une toute autre tournure, car le notaire conscient de son erreur a tenté de la rectifier dans l’acte authentique :

« La Scp Falandry Beaudaux Séguy a rectifié son erreur dans l’acte authentique sans attirer l'attention des époux X...sur cette difficulté ni rechercher si cette correction pouvait avoir une incidence sur leur consentement, ce qui constitue une seconde faute d'autant plus grave que cette modification était substantielle et qu'elle aurait dû ouvrir au bénéfice des acquéreurs un nouveau délai de rétractation de sept jours". 

Pour autant, la Cour d’appel considère que cela ne suffisait pas :

« Si le notaire avait correctement rédigé la promesse de vente en informant dès le 14 août 2007 les époux X…de l'implantation du bien dans la zone bleue du PPRI ou s'il avait informé les époux X...de l'erreur commise et de la rectification opérée, ces derniers auraient pu choisir de ne pas pas signer la promesse ou de se rétracter après la signature de l'acte authentique". 


La correction opérée par le notaire n’a donc pas suffit pour l’exonérer de sa responsabilité.


Enfin, la Cour d’appel nous informe sur la méthode à suivre pour calculer le préjudice lié à la perte de chance des acquéreurs :

"Les fautes du notaires ont donc fait perdre aux époux X...une chance très sérieuse (de l'ordre de 80 %) de ne pas contracter. 

Il a été mis en vente début 2010 au prix de 450. 000 € par deux agences immobilières mais n'a pu trouver acquéreur qu'au prix de 327. 000 € en 2011 en raison de son implantation en zone inondable, ce que les époux X...ont découvert à cette occasion. 

Une des négociatrices atteste du refus de ses clients d'acquérir ce bien, malgré la visite très positive d'avril 2011, en raison de sa localisation dans une zone inondable et un candidat acquéreur atteste de son refus de payer le prix demandé de 370. 000 € et de sa contreproposition à 320. 000 € pour le même motif. 

La crise économique ne peut être la cause de cette baisse de valeur, ainsi que cela est soutenu, puisque l'immeuble a été estimé par deux professionnels de l'immobilier à 450. 000 € en 2010, à une époque où la conjoncture économique était déjà très défavorable. 

Les époux X...ont donc subi une perte nette de 68. 000 € lors de la vente de leur bien en 2011 (395. 000 – 327. 000) et non de 98. 000 € ainsi qu'ils le soutiennent à tort. 

Leur de perte de chance doit donc être évaluée à la somme de 54. 400 € (80 % de 68. 000 €) ». 


En conclusion, même si l’acte authentique informe les acquéreurs de la situation de leur terrain inclus dans un périmètre à risque naturel, l’omission d’une information dans le compromis de vente distille son venin et suffit à induire en erreur les acheteurs ce qui leur donne un droit à réparation après du notaire.


Ce dernier doit donc veiller à les bien informer, et leur conférer un nouveau droit à rétractation s’il modifie une clause essentielle sur les risques naturels.


Me Laurent GIMALAC, Avocat et docteur en droit privé,

Lauréat de l’Université. 


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