Responsabilité du notaire dans le cadre d’une vente immobilière : exemples tirés de la jurisprudence récente.


Par Me Laurent Gimalac, Avocat spécialiste et docteur en droit privé.



Céder son bien peut constituer un risque pour le vendeur mais aussi pour le rédacteur de l’acte, à savoir le notaire qui dispose d’un monopole pour la rédactions des actes authentiques en France.


Ainsi les recours en responsabilité se multiplient contre les notaires, et les causes retenues sont de plus en plus variées.


I - DES VÉRIFICATIONS SUR LA LÉGALITÉ DES TRAVAUX CONCERNANT LA CHOSE VENDUE


Le notaire doit se renseigner sur la situation d’un lot qui va être vendu. Un simple questionnaire adressé au syndic ne suffit pas toujours et certains rédacteurs d’actes se font piéger par des situations illégales comme par exemple la réalisation de travaux sur des parties communes sans autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires. 


Il a été jugé par la cour de cassation que le notaire était tenu d'éclairer les parties sur la portée, les effets et les risques de l'acte instrumenté, et devait vérifier l'existence d'une autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires pour la réalisation de travaux affectant des parties communes, même à usage privatif. Il devait attirer l'attention des parties sur les risques encourus en l'absence d'un tel accord, dès lors qu'il disposait d'éléments de nature à faire douter de la régularité de ces constructions, et que le syndic indiquait ne pas avoir donné son autorisation pour l'édification de l’ouvrage illicite. Sa responsabilité a donc été engagée sur le fondement de l’article 1382 du code civil (Voir Cass. Civ. 1re, 4 févr. 2015, N° de pourvoi : 14-10.044, cassation partielle, inédit).


II - DE L’OBLIGATION DE VÉRIFIER QUE LES VENDEURS ONT BIEN OBTENU UN PERMIS DE CONSTRUIRE


Quand bien même les vendeurs auraient triché et fait une fausse déclaration chez le notaire, ce dernier est tenu de vérifier s'ils avaient obtenu ou pas un permis de construire pour leur maison.


La cour d’appel d’Aix en Provence a ainsi engagé la responsabilité du notaire dans les termes suivants :


«Le fait que les vendeurs aient commis une réticence dolosive, en n'informant pas l'acquéreur de l'absence de permis de construire sur l'ensemble de la propriété, n'ôte rien à la faute du notaire qui a authentifié un acte de vente et indiqué que le permis de construire avait été délivré pour le bien décrit dans l'ensemble de ces éléments, alors qu'il n'en était rien. Dès lors , le notaire a été condamné à une contribution partielle à la charge définitive de la réparation du préjudice subi par l'acquéreur, soit à hauteur de 50 % des sommes que les vendeurs ont été condamnés à payer (55.000 euro). La cour estime que l'absence de caractère intentionnel de la faute commise par le notaire, qui a manqué de vigilance dans la rédaction de l'acte authentique de vente, exclut qu'il contribue à la réparation du dommage causé par la réticence dolosive commise par les vendeurs». (Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Ch. 1 B, 16 avr. 2015, Numéro de rôle : 14/10098).


III - DE L’OBLIGATION DE VÉRIFIER LA SITUATION DE L’IMMEUBLE DANS LES SECTEURS PARTICULIERS 


La situation administrative de l’immeuble fait également partie des informations spéciales à vérifier par le notaire. Il en va ainsi d’un immeuble qui est classé dans un site inscrit lorsque modification ou sa division nécessite des autorisations particulières.


Il a été jugé par la cour d’appel de Montpellier :

«Maître M, notaire, a failli totalement à son obligation d'informer Monsieur P des conséquences du classement de l'immeuble dans un secteur protégé, à savoir la nécessité d'obtenir une ATS pour tous les travaux intérieurs.

En conséquence Maître M a engagé sa responsabilité en recevant l'acte de vente du 11 août 2003.» ( Cour d'appel de Montpellier, Ch. 1, sect. A 01, 17 juill. 2014, RG 11/08630).


IV - DE L’OBLIGATION DE VÉRIFIER S’IL EXISTE OU NON UN ARRETÉ DE PERIL SUR L’IMMEUBLE


S’il ne fait pas de toute que le notaire commet une faute en n’indiquant pas que l’immeuble est frappé d’un arrêté de péril, son obligation s’étend-elle également aux arrêtés de péril concernant des immeubles voisins de celui qui a été vendu ?


La cour d’appel de Paris vient de trancher par la négative allégeant ainsi les obligations du notaire :


«L'acquéreur d'un appartement situé dans un immeuble en copropriété doit être débouté de son action en responsabilité dirigée contre le notaire, le vendeur et l'agent immobilier pour manquement à leur devoir de conseil et d'information après l'adoption d'un arrêté de péril concernant l'immeuble voisin. Il apparaît en effet que l'arrêté de péril ne concernant pas au demeurant l'immeuble du lieu de situation du lot a été adopté 5 jours après l'acte de vente de sorte que l'acquéreur ne pouvait pas être alerté sur la prise de cette décision». (Cour d'appel de Paris, Pôle 2, Ch. 1, 4 juin 2014, RG N° 12/05097).


V - DE L’INUTILITÉ DE L’ACHAT, SOURCE DE RESPONSABILITÉ ?


Cette dernière affaire met en exergue "le devoir de curiosité" du notaire qui doit aussi s’interroger sur l’utilité économique d’une projet d’acquisition.


Sa responsabilité en qualité de rédacteur de l’acte de vente portant sur un terrain à usage agricole et de loisir a été engagée s’il ne met pas en garde les acquéreurs sur l’inutilité de leur acquisition.


En effet : 

«Les acheteurs qui entendaient implanter sur cette parcelle une entreprise de paysagiste supposant la possibilité d'entreposer du matériel et des véhicules agricoles ont appris que le terrain était classé en zone Nz depuis l'approbation du PLU autorisant la seule activité d'observation scientifique. Le notaire qui prétend ne pas avoir été informé du projet professionnel des acquéreurs n'avait cependant pas pu manquer en fait de s'interroger sur l'usage attendu d'un terrain agricole acheté au prix de 35.000 EUR par deux jeunes gens âgés de 20 et 21 ans. Le manque de curiosité allégué par le notaire autant à l'égard du classement effectif de la parcelle que de l'usage d'un tel investissement pour des jeunes acheteurs caractérise assurément un manquement à son devoir de vigilance, de prudence et de conseil en vue d'assurer l'efficacité de son acte.

Le préjudice subi consiste en une perte de chance dont l'indemnisation doit être égale à la différence entre le prix payé et la valeur actuelle du terrain estimée à 2.000 EUR de sorte que l'octroi de dommages et intérêts de 33.000 EUR doit être confirmé.» (Cour d'appel de Grenoble, Ch. civ. 1, 19 mai 2014, RG N° 12/00636).


La variété des cas de responsabilité risque donc de réactiver le contentieux en lien avec les ventes immobilières, les requérants trouvant dans la personne du notaire un nouveau «  arant" si la vente ne se déroule pas aussi bien qu'ils l'auraient souhaité.


Me Laurent GIMALAC, Avocat et docteur en droit privé,

Lauréat de l’Université. 



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