Qualité de l’air et santé publique : les recours des associations et des particuliers contre les pouvoirs publics.

Par Me Laurent Gimalac, Docteur en droit et Avocat spécialiste en droit de l'environnement.


Il est aujourd’hui reconnu par les scientifiques que la pollution de l’air constitue un risque majeur pour la santé et pour l’économie. Plusieurs colloques scientifiques au cours de l'année 2015 ont mis en exergue le grave impact de la pollution de l'air sur la santé.


Un rapport  intitulé "pollution de l'air : le coût de l'inaction" de la commission d'enquête du Sénat sur le coût économique et financier de la pollution de l'air a évalué  à plus de 100 milliards d'euros le coût annuel de la pollution de l'air.


Le gouvernement a annoncé chercher des méthodes innovantes pour réduire la pollution de l'air intérieur et extérieur qui passeront certainement par une fiscalité incitative voire dissuasive.


Le groupe écologiste a lui-même fait des propositions en ce sens et incite le gouvernement à prendre des mesures fiscales pour arrêter de favoriser le diesel. 


1°/ L'Etat français au pied du mur, obligé de prendre des initiatives


L'État français est mis au pied du mur par Bruxelles. En effet la commission a invité la France à prendre des mesures en matière de pollution de l'air afin de respecter la législation de l'union européenne exigeant que les états membres limitent l'exposition de leurs citoyens aux particules fines. Des valeurs limites spécifiques doivent être définies et ne pas être dépassées.


Un projet de loi relatif à la transition énergétique a été présenté par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en conseil des ministres, le 30 juillet 2014.

Il propose notamment de développer les transports propre et de renforcer les moyens de lutte contre la pollution de l'air. La moitié des véhicules de l'État devront être des véhicules propres et 7 millions de bornes de recharge seront installée pour ensemble du parc des véhicules électriques. Une prime remplacement des vieux véhicules diesel est également instituée. Mais tout ceci n'aura pas un impact immédiat sur la pollution.


Et n'est-il pas déjà trop tard ?

Bon nombre de concitoyens, souffrent déjà cruellement de la pollution. qui entraîne une surmortalité prématurée.

De plus, il semble que le rapport scientifique soit établi entre certaines formes d'allergies et la pollution.

Le réchauffement climatique provoque une pollinisation plus précoce. Par ailleurs les plantes souffrent de la pollution et peuvent réagir en produisant davantage de pollens.

Enfin, les médecins soupçonnent les polluants d'induire une réponse inappropriée du système immunitaire.


2°/ Les premières plaintes au pénal par les ONG


Des ONG ont porté plainte  en 2014 contre l'État pour la pollution de l'air. Leur première plainte de mars 2014 avait été classée sans suite par le parquet. Deux ONG ont toutefois déposé une seconde plainte en juillet 2015 auprès du parquet de Paris invoquant la mise en danger de la vie d’autrui et le non respect des normes européennes et nationales en matière de pollution atmosphérique. Cette fois-ci, elles se sont portées partie civile, ce qui permettra la désignation d'un juge d'instruction et éviter un nouveau classement sans suite.


3°/ Des actions administratives non concluantes compte tenu de la position du Conseil d'Etat en retrait par rapport aux objectifs communautaires 


Ajoutons qu'entre-temps, le conseil d'État avait lui-même été saisi d'un  recours par une autre organisation non gouvernementale, au motif que les normes de qualité de l'air à Paris n'étaient pas respectées. Mais, le 22 juin 2015, le Conseil d’État malheureusement  rejeté ce recours et ainsi ruiné les espoirs des milieux associatifs et des victimes de la pollution atmosphérique. 


La haute juridiction refuse de reconnaître la responsabilité des préfets pour le non respect des normes de qualité de l’air à Paris en raison de la forte concentration de particules fines et de dioxyde d'azote. Elle estime en effet que les préfets ne seraient tenus qu’à une simple obligation de moyens dans la mise en œuvre d’un plan de protection de l'atmosphère et non pas d'une obligation de résultat.


Cette décision semble contredire l’arrêt de la cour de justice de l’union européenne, a pour sa part, estimé, que pour les dioxyde d’azote, les valeurs limites ne peuvent  pas être dépassées après l’échéance fixée, ce qui correspond à une obligation de résultat (CJUE, arrêt du 19 novembre 2014 dans l’affaire 404/13 concernant le dioxyde d’azote).


Force est der rappeler que l’article 23 de la directive européenne sur la qualité de l’air  prévoit que les plans de qualité de l’air  doivent être établis et assorties d’un contenu précis pour respecter les valeurs limites. Le terme précis, induit donc que l’on respecte à la lettre les obligations. Or cette directive n'a été transposée en droit français qu'avec la mise en place de plans de protection de l'atmosphère alors qu'il existe d'autres outils qui permettraient d'augmenter l'efficacité générale de la lutte contre la pollution de l'air.


Il semble donc que l'État français bénéficie d'une certaine complaisance des juridictions administratives en matière de pollution de l'air, mais que les instances communautaires poussent au respect strict de la réglementation européenne.  Quelle logique triomphera ? Celle à court terme de nos gouvernants ? Ou la logique européenne à plus long terme dans le sens du respect de notre santé et de notre environnement ?


4°/ Des décisions rendues en droit comparé encourageantes


Il apparaît toutefois que d’autres juridictions  soient beaucoup moins timorées.


Ainsi un  tribunal de la Haye vient de juger les Pays-Bas responsables de leur inaction face au réchauffement de la planète. Il a ordonné le 24 juin 2015 aux Pays-Bas de réduire leurs émissions de CO2 de 25 % d'ici à 2020. Les juges avaient été saisi et de la plainte de près de 900 citoyens néerlandais contre leur gouvernement accusé d’être inactif face a la lutte contre le réchauffement climatique. La décision est fondée sur la « violation de droits humains » et du devoir de vigilance de l’Etat pour protéger l’environnement.


On le constate, l’avenir passera peut-être par l’Europe et l'action des citoyens soucieux de la qualité de leur environnement. Ou encore par le droit international qui devra traiter la question épineuse des réfugiés climatiques…


Me Laurent Gimalac, Docteur en droit privé,

Avocat spécialiste en droit de l’environnement.


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