Les nuisances d’un aérodrome ou un aéroport. 


Les limitations d’ordre public à la liberté de circulation


Il convient de préciser que l’utilisation des aéronefs bénéficie du principe de libre circulation sur le territoire mais que cette liberté est susceptible d’être encadrée pour des motifs tirés de l’ordre public ou tout simplement la nécessité d’assurer la régulation d’un mode de transport pour éviter les accidents.


Ainsi, la circulation aérienne ne fait pas exception (V. L. n° 89-467, 10 juill. 1989 : Journal Officiel 11 Juillet 1989).


Des servitudes administratives sont des restrictions légales au droit de propriété foncière et permettent de limiter les effets des nuisances sur les riverains quand elles sont décidées à temps. Tel est le cas, en ce qui concerne le bruit autour des aéroports d'Orly et de Roissy-en-France (Mesures destinées à atténuer les nuisances subies par les riverains de certains aérodromes : AJDA 1973, p. 199).


L’action en faveur des nuisances.


Une politique générale a été lancée par la loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 contre le bruit. Aux termes de l'article 2 de cette loi, “sans préjudice des autres dispositions législatives et réglementaires applicables”, des décrets en Conseil d'État définiront les règles de niveaux sonores admissibles, de fabrication de produits. À cette fin, une "nomenclature des activités bruyantes" double la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement.


Afin de réduire les nuisances dues au bruit des avions, les conditions d’utilisation du sol au voisinage des aérodromes ont fait l'objet de dispositions d'urbanisme particulières, fixées par la loi du 11 juillet 1985 (C. urb. art. L. 147-1 à 147-6, R. 147-1 à 147-11.


Une taxe a été instituée par la loi du 31 décembre 1992 destinée à couvrir les dépenses d'aides aux riverains victimes des nuisances sonores au voisinage des aérodromes.


Les aides aux riverains ont pour sources la loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 modifiée et codifiée (C. env., art. L. 571-1) relative à la lutte contre le bruit et les décrets n° 94-236 du 18 mars 1994, et n° 94-503 du 20 juin 1994 modifiés, en participation par le décret n° 2002-626 du 26 avril 2002.


Rôle de la commission consultative.


Les commissions consultatives de l'environnement instituées par l'article 2 de la loi du 11 juillet 1985 sont des instances de concertation “régulière entre les élus locaux, les associations de riverains et les utilisateurs des aérodromes”, présidées par le préfet.Leur organisation a été définie par le décret n° 87-341 du 21 mai 1987 modifié en 2000 (Journal Officiel 22 Mai 1987 ; modifié par D. n° 2000-127, 16 févr. 2000 : Journal Officiel 17 Février 2000). 


Les commissions sont créées par arrêté préfectoral ou interpréfectoral et composées de membres répartis en trois catégories égales en nombre. Il existe, en principe, une commission par aérodrome, mais une seule pourra fonctionner pour plusieurs aérodromes proches si les trajectoires de circulation aérienne sont interdépendantes.


Toutefois ces mesures peuvent parfois s’avérer insuffisantes et les riverains auront alors intérêt de se prévaloir des dispositions du droit communautaire de l’environnement.


L’intervention des règles communautaires pour la réduction des nuisances.


Le contrôle du bruit autour des aérodromes relève des garanties prévues par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH, 2 oct. 2001, Hatton et a. : RD imm. 2002, p. 36, note Y. Jégouzo). Il est possible d’invoquer une atteinte à un droit fondamental quand les nuisances sont importantes.


Indemnisation des nuisances sonores par l’administration


Si des activités particulièrement bruyantes sont exercées dans le cadre du fonctionnement normal d'un ouvrage public, elles entraînent la responsabilité sans faute de l'Administration qui en assure la gestion ou l'exploitation, à raison du préjudice anormal et spécial qu'elles causent à leurs voisins.


S'agissant des nuisances sonores causées par le survol des avions aux occupants d'immeubles situés à proximité d'aéroports ou d'aérodromes, le juge administratif procède à un examen précis de chaque situation afin de rechercher si, eu égard à leur intensité et à leur fréquence, ces bruits excèdent les inconvénients normaux (à titre d'exemple de reconnaissance de l'existence d'un dommage anormal et spécial, CE, 26 oct. 1966, de Rocquigny : Rec. CE 1966, p. 1125 ; Dr. adm. 1966, comm. 393. – CE, sect., 20 nov. 1992, Cne St Victoret : CJEG 1993, p. 183, concl. Le Chatelier. Sur les modalités d'indemnisation des dommages causés aux riverains des aéroports d'Orly et de Roissy par le bruit et les autres nuisances, note Thévenin ss CE, 7 mai 1975, Comité défense riverains aéroport Paris-Nord et a. : Rec. CE 1975, p. 284 ; AJDA 1977, p. 49).


Il est admis que la présence d'un aéroport militaire cause, compte tenu d’exercices de nuit et de jour, un préjudice anormal et spécial à des habitations situées à 300 m, dans l'axe de la piste (CAA Nantes, 8 déc. 1999, n° 96NT01450, Min. défense c/ Épx Guennegan). 


En revanche, n'excèdent pas les inconvénients anormaux, les riverains d'un aérodrome les bruits provoqués par des avions de type "gros porteur", dès lors que la propriété des intéressés est située à proximité de l'extrémité de la piste principale de l'aérodrome et que la fréquence des mouvements des appareils demeure de l'ordre de 300 par an (CAA Nantes, 20 déc. 2000, n° 99NT01321, Beausire).


Responsabilité des compagnies exploitantes


Le législateur, lui-même, canalise les actions en réparation des inconvénients excessifs de voisinage, en désignant les personnes responsables.


C'est ainsi qu'aux termes de l'article L. 141-2 du Code de l'aviation civile : “L'exploitant d'un aéronef est responsable de plein droit des dommages causés par l'évolution de l'aéronef ou des objets qui s'en détacheraient aux personnes et aux biens situés à la surface. 


Cette responsabilité ne peut-être atténuée ou écartée que par la preuve de la faute de la victime”. Ce texte, qui trouve son origine dans une loi de 1924, a fait l'objet d'une interprétation extensive. Il a été, en effet, jugé applicable à l'action en responsabilité engagée par les riverains d'aérodromes, pour les nuisances acoustiques qu'ils subissent .


Partant, ce sont les compagnies aériennes utilisatrices des installations aéroportuaires, et non les exploitants de celles-ci, qui sont désignées comme responsables des nuisances subies par les riverains. 


Cette canalisation des actions ne paraît pas d'une logique incontestable puisque ces compagnies ne sont pas impliquées dans le choix des sites, non plus que dans l'organisation des trafics. 


En outre, elles ne sont pas libres d'utiliser n'importe quelle installation. C'est d'autant plus discutable qu'il s'agit d'une responsabilité provisoire puisqu'elles sont admises à exercer un recours contre l'aéroport, ainsi que l'a reconnu le Conseil d'État (6 févr. 1987, Cie nationale Air-France : RFD aérien 1989, p. 56) au motif que "l'implantation et le fonctionnement normal de l'aéroport de Paris sont la cause directe et certaine des troubles de voisinage".


L'exonération, totale ou partielle, dont peuvent se prévaloir les compagnies aériennes 


(de même que l'exploitant de l'aéroport) est constituée par "la faute de la victime", faute consistant généralement dans le fait de s'être installé en connaissance de cause aux alentours des établissements aéroportuaires.


La compétence juridictionnelle en cas de préjudice.


Les aéroports sont, en principe, soumis au régime des services publics industriels et commerciaux (V. en ce sens CE 8 mars 1968, Ch. comm. de Nice : Rec. CE, p. 174. – 8 mars 1968, min. fin. : AJDA 1969, II, p. 106, note Drago). En effet, l'exploitation des outillages publics aéroportuaires est une activité de même nature que l'exploitation des outillages publics dans les ports maritimes et fluviaux.


En conséquence, les exploitants d'aérodromes relèvent en principe du droit privé et de la compétence judiciaire.


Le régime juridique des services publics industriels et commerciaux est cependant écarté dans certains cas. Il en va ainsi, par exemple, pour les activités des services de contrôle et de sécurité de la circulation aérienne.


En ce qui concerne les dommages survenus en plein vol, par suite des défaillances du service de contrôle de la navigation aérienne assuré par l'Etat : Voir CE 26 juill. 1982, min. défense c/ Sté Spontax : Rec. CE, p. 313 ; Quot. jur. 11 juin 1983, p. 3, note Moderne à propos de la collision survenue en plein vol entre deux avions par suite des défaillances du contrôle militaire de remplacement mis en place sous le nom de « Plan Clément Marot » lors d'une grève des contrôleurs civils. Ces services engagent la responsabilité de l'Etat sur le terrain de la faute lourde (CE 21 nov. 1984 : Rec. CE, p. 380 ; D. 1986, inf. rap. p. 259, obs. Moderne, Bon. – TA Versailles 8 nov. 1985, Sté Uni-Air, concl. S. Lamy-Rested ; RFD adm. 1986, p. 637).


Le régime juridique des services publics industriels et commerciaux est encore écarté pour les dommages et accidents imputables à l'existence, à l'aménagement ou au fonctionnement des ouvrages publics aéroportuaires.


Par application de la loi du 28 pluviôse an VIII, relèvent de la compétence du juge administratif des travaux publics, les dommages et accidents causés par les ouvrages publics aéroportuaires aux tiers (CE 26 oct. 1966, de Rocquigny : Rec. CE, tables, p. 901, dépréciation d'une propriété privée par suite du passage à basse altitude des avions provenant d'un aérodrome voisin ou s'y rendant).


Les actions engagées contre les compagnies aériennes par les riverains des aérodromes en réparation des préjudices causés par le bruit des avions posent, au plan des règles de compétence et de fond, des problèmes plus complexes.


Ces actions peuvent être portées devant le juge judiciaire (Cass. 2e civ. 8 mai 1968 : JCP G 1968, II, 15595, note de Juglart et du Pontavice). Mais les riverains peuvent également saisir le juge administratif des travaux publics (CE 15 juill. 1953 : Rec. CE, p. 374.)

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