De l’incidence de la mitoyenneté sur le bornage.

Par Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste et docteur en droit.


Suivant l’article 646 du code civil « Tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contigües. Le bornage se fait à frais communs. »

Même si le bornage n’est pas règle générale obligatoire, la loi oblige désormais à indiquer, dès l’avant-contrat, si le descriptif du terrain résulte, ou non, d’un bornage, et ce, sous peine de nullité de la vente (art. L. 111-5-3 du Code de l’urbanisme).

Mais la mitoyenneté d’un ouvrage qui est situé en limite de propriété peut-elle empêcher de demander le bornage ?


1° Deux bâtiments qui ne sont pas exactement accolés ne sont pas mitoyens 


Il faut rappeler que la présence d’un ouvrage sur la parcelle d’un des deux voisins, n’est pas une cause permettant de refuser le bornage, si cet ouvrage ne marque pas la limite divisoire.

Une simple bande de terrain même étroite entre les deux bâtiments justifie donc que l’on demande le bornage des deux fonds.


2° Un mur réellement mitoyen peut exclure la nécessité du bornage 


En revanche, il a été jugé que la présence d'un mur séparatif mitoyen suffit à écarter toute délimitation judiciaire dès lors que la limite divisoire est précisément la ligne médiane de ce mur mitoyen (Aix-en-Provence, 20 juin 1995, Juris-Data n° 1995-043867).

Et il s’ensuit que la demande de bornage est dans ce cas particulier  irrecevable (Chambéry, 2e ch., 16 juin 2004, RG n° 01/02701, Juris-Data no 2004-252583). 

Il faudra toutefois démontrer que le mur relève bien du régime de la mitoyenneté  et suive, par conséquent, la ligne divisoire des fonds (il est  donc conseillé de bien vérifier son titre de propriété).

Si le mur s'avère privatif, il n’est bien sûr pas mitoyen. Et ce sera donc tout l’enjeu des débats devant le juge saisi que de déterminer sa qualification juridique.

Cela ne sera pas chose facile dans certains cas, si notamment le titre des propriétaires est silencieux sur cette question. On aura parfois recours à la prescription trentenaire.


3° Une règle appliquée avec subtilité par les tribunaux 


A s’en tenir à l’énoncé de cette règle, elle paraît simple d’application pourtant il existe de nombreuses subtilités à connaître.

Ainsi, pour des bâtiments dont les façades sont construites en encorbellement, et dont ni les piliers de soutènement, ni les murs de refend ne se trouvent à l'aplomb, il a été jugé que le bornage restait possible (TI Millau, 7 nov. 1961).

De même, il a été jugé que seuls de véritables bâtiments excluent le bornage. Ainsi par exemple, un simple bassin cimenté n’est pas considéré comme un bâtiment et le bornage redevient possible (CE 14 févr.1988, req. n° 55-025, inédit). Il en va de même de simples clôtures sauf si elles sont mitoyennes.

Enfin, il nous semble que si un bout de terrain même peu conséquent sépare les deux fonds sur une partie de leur longueur, le moyen tiré de la mitoyenneté du mur qui ne se prolonge pas sur la totalité de la limite séparative des deux fonds ne peut être un argument suffisant pour refuser le bornage. 


Me Laurent Gimalac, Docteur en droit de l’environnement,

Avocat spécialiste en droit de l’environnement.

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