Fuite d’une cuve de fuel et pollution des eaux : qui est responsable et quels sont les recours ?


Par Laurent GIMALAC, Docteur en droit, Lauréat et Avocat spécialiste en droit de l’environnement.



La fuite d’une cuve du fioul occasionnant des dégâts importants dans l’environnement proche n’est pas une hypothèse d’école, c’est un accident qui se produit régulièrement et qui entraîne des conséquences juridiques plus ou moins graves. La règlementation renforce les obligations des fabricants et des acquéreurs qui doivent respecter des règles strictes pour leur installation. Pour autant, les cuves ne sont pas toujours aux normes et en cas de fuite portant préjudice, il s’agit de connaître les droits et recours possibles.


1° Qui est responsable et de quoi ?

C’est le propriétaire de la cuve qui est a priori le principal responsable à moins qu’il démontre qu’il n’en avait par la garde ou encore qu’un fait extérieur, le fait du tiers, en est la cause.

Ainsi si la règle faisant peser la présomption de responsabilité contre le propriétaire s'applique, il est également possible pour ce dernier de renverser cette présomption en démontrant qu'il y a eu transfert de la garde de la chose.

La dissociation du propriétaire et du gardien est possible notamment dans un cadre d’activité professionnelle lorsqu’on évoque le cas d’un pompiste qui seulement locataire et pas propriétaire.

Cette dissociation est plus rare pour une cuve de particulier qui en général est à usage résidentiel. Il faudra démontrer dans ce cas que la garde a été transférée et que l’usager est une autre personne que le propriétaire.


2° Quel type de responsabilité civile ?

Il s’agit d'une responsabilité du fait des choses que l’on a sous sa garde qui s’étend bien évidemment aux conséquences préjudiciables du contenu de la cuve. 

En effet, il a été jugé que la chose peut-être un carburant ou hydrocarbure provenant d'une  cuve  (Civ. 2e, 12 oct. 2000, no 99-10.734).

Il n’est pas nécessaire dans ce cas de démontrer l’existence d’une faute, puisqu’il s’agit d’une responsabilité objective.

En revanche, il appartiendra au tribunal de vérifier que la chose est bien l'instrument du dommage, c'est-à-dire qu'elle joue un rôle actif dans la réalisation du dommage environnemental (Civ. 2e, 23 sept. 2004).

Si le produit lui-même était défectueux, la responsabilité du fait des produits peut-être également invoquée dans le cadre du contentieux. 

Cette défectuosité du produit ne sera toutefois caractérisée que lorsque le produit « n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre » (C. civ., art. 1386-4). Dans ce cas, il faudra citer dans la procédure le fabricant pour que sa responsabilité puisse être engagée. 


3° Qui est la victime ?

C'est généralement le voisin, qui doit subir les dégâts résultant de la contamination involontaire de son terrain. 

Mais parfois, la contamination s’effectue par ricochet, le fioul s’écoulant sur plusieurs propriétés ou sur une voie publique. 

Dans ce cas, on peut imaginer que les victimes sont les propriétaires des terrains touchés par la pollution, ainsi que la personne publique (pour la voirie), quelque soit la nature de leur préjudice (pollution des sols voire pollution des eaux, d’un étang, d’une rivière …)


4° Qui doit prendre en charge le sinistre ?

Si aucune assurance ne prend en charge il appartient au propriétaire et/ ou au gardien de la chose de payer les dégâts qui peuvent être considérables (pollution des sols, des eaux…).

Il convient donc de vérifier si la police d’assurance multi-risque peut prendre en charge de type de dommage. En règle général c’est le cas, sauf exclusion par une clause notamment lorsque la cuve de fioul n’avait pas un usage résidentiel mais professionnel par exemple.

Dans ce cas, il faudra se reporter à la police d’assurance professionnelle si c’est une entreprise qui utilisait la cuve sur un terrain privé et vérifier qu’elle n’exclut pas non plus la prise en charge.


5° Quelles sont les obligations à respecter pour les cuves à fioul ?

Selon l’arrêté du 22 juin 1998, les cuves à simple paroi enterrées devaient être équipées d’une double paroi avant 2010, tandis que les réservoirs à simple paroi renforcés en matières plastiques doivent être pour être mis aux normes au plus tard l'année 2020.

De même, il existe une obligation de prévoir un bac de rétention pour les cuves qui ne sont pas à double paroi Les cuves à fioul avec bac de rétention sont soumises à des normes strictes en matière de réglementation et de contenance et respecter la norme NF 13341 (Voir l'arrêté du 1er juillet 2004 fixant les règles techniques et de sécurité applicables au stockage de produits pétroliers dans les lieux non visés par la législation des installations classées ni la réglementation des établissements recevant du public).

Ce texte prévoit pour le bac de rétention que sa capacité « doit être au moins égale à la plus grande des valeurs suivante » :

- 100 % de la capacité du plus grand réservoir.

- 50 % de la capacité globale des réservoirs et récipients.

Cet arrêté n’est pas applicable au stockage de produits pétroliers dans les lieux concernés par la législation des installations classées ou celle des établissements recevant du public.

Il semble que de nombreuses cuves ne soient pas encore mises en conformité et puissent générer potentiellement des litiges mais il est difficile d’en faire l’inventaire car elles sont souvent enterrées.


6° Quelles sanctions en cas de non respect de la règlementation sur les cuves ?

Elles sont de deux ordres : civiles et pénales.

L’article R. 641-15 du code de l’énergie prévoit les sanction suivantes pour la fabrication, la détention en vue de l’utilisation ou l’installation de matériel non conforme :

Est passible d’une amende prévue par le 5° de l’article 131-13 du code pénal pour les contraventions de la première classe la fabrication pour le marché intérieur, la détention en vue de l’utilisation ou de la vente, la vente et l’installation de matériels et appareils énumérés à l’article D. 641-6 et non conforme aux dispositions techniques et de sécurité édictées en application de la présente section.

Le pollueur devra également réparer les dégâts en nature ou sous la somme de dommages intérêts.




© Cabinet de Me Gimalac Avocat - Paris, Lyon, Cannes, Grasse - IDF et French Riviera  - 2020