Les conditions de résiliation du bail commercial.

Quelques pièges à connaitre avant de résilier un bail commercial.


Par Laurent Gimalac, Ancien Professeur à l’ISEM (ESMOD Paris) et à SUP DE LUXE (Groupe EDC, Paris) et Avocat 


Il est malheureusement de plus en plus courant que le propriétaire d’un local commercial doive résilier un bail faute de règlement de ses loyers dans les délais. Laisser trainer une telle situation peut devenir problématique, car le preneur risque à tout moment de déposer le bilan, et c’est l’administrateur qui disposera du pouvoir de maintenir ou pas le bail en cours.


I - UN COMMANDEMENT DOIT VISER PRÉCISÉMENT LA CLAUSE RÉSOLUTOIRE


Pour les modalités de la résiliation, il convient de se reporter au bail lui-même qui doit prévoir une clause résolutoire, par exemple en cas d’impayé du loyer. La clause doit être signifiée par voie de commandement d’huissier visant la clause résolutoire dans son intégralité.


L’article L. 145-41, alinéa 1er, du code de commerce prévoit que :

« toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement de payer demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. »


La mise en œuvre de la clause exige donc que le bailleur ait préalablement notifié au preneur une mise en demeure précisant l’infraction reprochée. Le commandement de payer visant la clause résolutoire doit être signifié eu preneur, à son adresse sous peine de nullité.


Mais attention ! Si la clause résolutoire est mal rédigée par rapport aux exigences légales et qu’elle est donc ambiguë cela  le commandement irrégulier comme le rappelle la jurisprudence :


« Les mentions et indications figurant dans les commandements étaient de nature à créer dans l'esprit de la locataire, une confusion l'empêchant de prendre la mesure exacte des injonctions faites et d'y apporter la réponse appropriée dans un délai requis, la cour d'appel a pu en déduire que ces commandements devaient être annulés" (Cass. 3e civ., 17 mars 2016, n° 14-29.923 : JurisData n° 2016-007591 ; Loyers et copr. 2016, comm. 126).


La mise en demeure ou le commandement doivent indiquer avec précision les clauses du contrat auxquelles le preneur aurait contrevenu, de même que les griefs formulés à son encontre (Cass. 3e civ., 8 nov. 1989 : Loyers et copr. 1990, comm. 31. – CA Paris, 16e ch. B, 25 oct. 2002, n° 2001/13709 : JurisData n° 2002-196339).


Cela implique la justification et le détail des sommes mises en recouvrement au titre du loyer ou des charges (Cass. 3e civ., 14 déc. 1988 : Rev. loyers 1989, p. 79. – Cass. 3e civ., 23 nov. 1988 : Loyers et copr. 1989, comm. 21).


II - L’INFORMATION DES CREANCIERS INSCRITS


L'article L. 143-2 du Code de commerce dispose :

"Le propriétaire qui poursuit la résiliation du bail de l'immeuble dans lequel s'exploite un fonds de commerce grevé d'inscriptions, doit notifier sa demande aux créanciers antérieurement inscrits, au domicile élu par eux dans leurs inscriptions. Le jugement ne peut intervenir qu'après un mois écoulé depuis la notification.

La résiliation amiable du bail ne devient définitive qu'un mois après la notification qui en était faite aux créanciers inscrits, aux domiciles élus. »

L'application de la clause résolutoire, telle que sanctionnée par la juridiction saisie, est inopposable aux créanciers inscrits (Cass. 3e civ., 22 mars 1989 : Gaz. Pal. 1990, 1, somm. p. 1, note Ph.-H. Brault ; Administrer avr. 1990, p. 42, note Franck. – CA Toulouse, 2e ch., 28 sept. 1998, n° 98/00671 : JurisData n° 1998-045859 ; Loyers et copr. 1999, comm. 66, obs. Ph.-H. Brault)


III - LA CLAUSE PÉNALE NE DOIT PAS ETRE DISPROPORTIONNÉE 


Selon le nouvel article 1231-5 du code civil relatif à la clause pénale :

« Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. 

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. »


Plusieurs décisions, dont certaines ont été rendues après résiliation d'un bail d'habitation, ont consacré le pouvoir de modération du juge par application des textes qui régissent la mise en application de la clause pénale et la modération de ses effets :

– par un arrêt du 1er juillet 2004 (AJDI 2005, p. 305), la 6e chambre, section B de la cour de Paris avait souligné qu’une indemnité d’occupation fixé au double du loyer, correspondait à un excès manifeste dont les effets devaient être réduits par application de l’article 1152 du Code civil ;

– la 3e chambre civile de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 8 avr. 2010, n° 08-20.525 : JurisData 2010-003395 ; Loyers et copr. 2010, comm. 157, obs. B. Vial-Pedroletti ; AJDI 2010, p. 628, obs. Chenu ; D 2010, p. 1021) a rejeté le pourvoi dont elle était saisie, en relevant que l’indemnité d’occupation égale au double du loyer prévue au contrat de bail présentait le caractère d'une clause pénale, justifiant une modification de la peine contractuelle, dès lors qu'il n'était pas contesté que les locataires avaient exécuté en partie leur obligation principale de paiement.


IV - LE LOCATAIRE PEUT DEMANDER DES DÉLAIS DE PAIEMENT


L’article L. 145-41, alinéa 2, du code de commerce autorise le juge, sous certaines conditions, à accorder des délais au preneur, et à suspendre les effets de la clause résolutoire.

Cet alinéa 2 dispose que : 

« Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge. »

Le juge dispose de pouvoirs qui lui sont conférés par les articles 1244-1 à 1244-3 du code civil. Ceux-ci concernent l’octroi de délais dans une limite de deux ans au maximum, en considération de la situation du débiteur et des besoins du créancier. Il peut, ainsi, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. La Cour de cassation lui reconnaît, à ce titre, un pouvoir discrétionnaire.









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